
Touchez à la beauté du monde
Les photos de Virginie Belhumeur proposent un regard sur l’enfance, le voyage et le dépaysement
C’est l’été. On sent la chaleur écrasante, on entend le chant étourdissant des grillons, tandis qu’un vent léger met un baume sur la plaie ouverte d’un champ ensoleillé, en plein cœur de la nature. Une femme regarde le paysage, on la sent absorbée par un point au loin, là où la forêt commence et se fond dans un mystère. La femme s’interroge. Que voit-elle? Que cherche t-elle? Son esprit vagabonde, se perd dans le labyrinthe de l’inconscient, cherche la sortie, ou du moins le fil d’Ariane qui lui permettrait de retrouver la lumière au bout du tunnel de ce dimanche après-midi par ailleurs figé dans le temps et dans l’espace.
Une virée au pays de l’imaginaire: voilà ce que nous propose Virginie Belhumeur, finissante à la maîtrise en arts visuels, jusqu’au 18 juin à l’Édifice La Fabrique, à travers une vingtaine de photographies couleur. Quête de l’ailleurs, de l’enfance, de «ce lointain si proche», thème de l’exposition, sensations un jour effleurées aujourd’hui ravivées par le biais de l’image enfouie puis remontée à la surface de l’eau dormante. Paradis perdus, voies sans issue, chemins ouverts sur le monde. «Quand ils regardent mes photos, les gens me disent souvent que telle ou telle scène leur rappelle leurs propres souvenirs d’enfance, souffle Virginie Belhumeur. Lorsqu’on est petit, on se construit des mondes imaginaires tout en sachant très bien qu’on vit dans la réalité. Je veux créer des mystères, des jeux d’ombre et de lumière, inciter le spectateur à interpréter l’œuvre photographique sans qu’on lui impose le sens.»
La tête ailleurs
Si une image vaut mille mots, Virginie Belhumeur choisit de les faire parler davantage en les associant, tels des mots qui, sous le poids des signes, finissent par former une phrase et tomber sous le sens. La nature est à portée de main, nous sommes plongés dans le vert profond des feuillus quand soudain se profile une forme féminine baignant dans une lumière quasi surnaturelle. Un pas plus loin et nous voilà en route vers l’inconnu, dans une courbe qui se perd à l’infini. Puis le corps revient à sa source, nous retournons d’où nous venons, et le vent fouette les arbres dont les feuilles bruissent au-dessus de nos têtes. Pendant que la route s’ouvre toujours devant nous, apparaît un visage entrevu en rêve puis se devine le flou d’un lac, la porte de sortie, la plongée sous-marine, qui soigne les blessures du voyageur égaré sur la terre.
Utilisant les contrastes et les jeux d’échelle, l’artiste multiplie les points de vue, se rapprochant de sa cible puis s’en éloignant, au gré de l’intuition et de l’inspiration. «La marche surtout, mais aussi toute forme de déplacement, sert dans le processus créatif en tant que déclencheur pour mes images, explique-t-elle. Le marcheur est attentif, il cherche des repères visuels, il explore le sol visuellement et lentement. En somme, le mode de déplacement influence grandement la prise de vue.» Alternance entre le regard immédiat et attentif du marcheur et celui, riche et évanescent du souvenir: le visiteur ressort de l’exposition de Virginie Belhumeur la tête ailleurs, ayant touché du doigt la beauté du monde.
Les heures d’ouverture de la Galerie des arts visuels (295 boul.Charest Est) sont, du mercredi au vendredi de 11 h 30 à 16 h 30 et les samedis et dimanches de 13 h à 17 h.

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