
La maladie du pouvoir
Le médecin et écrivain Martin
Winckler rappelle que les patients n'ont pas besoin de soignants
qui se sacrifient, mais de soignants qui vivent
"Je pars du principe que si la maladie et la souffrance
isolent, le pouvoir isole aussi. Pour moi, un professionnel de
la santé qui ne jure que par le pouvoir dans l'exercice
de ses tâches est beaucoup plus mal en point qu'un malade.
Car un malade, contrairement à l'homme de pouvoir, demande
le plus souvent à être soigné." Le ton
est donné: médecin et écrivain, auteur
de plusieurs romans (dont La maladie de Sachs), guides
et essais, Martin Winckler va prononcer une conférence
qui prendra les allures d'un credo sur la pratique de la médecine.
Conférencier au 3e Congrès mondial du Secrétariat
international des infirmières et des infirmiers de l'espace
francophone (SIDIIEF), l'homme place la notion de partage au
coeur de l'acte sacré qu'est celui de soigner.
"Partager le savoir ne se résume pas à échanger
des informations entre soignants, explique Martin
Winckler. Pour rester fidèle à l'éthique
du soin et au refus de pouvoir qu'elle sous-entend, il faut partager
le savoir avec les premiers intéressés, soit nos
patients. Toutes les manières sont bonnes à partir
du moment où notre objectif est de libérer l'autre
de la peur, de la dépendance ou de l'oppression causées
par la souffrance." C'est dans cet esprit qu'il a écrit
le premier manuel pratique des méthodes de contraception
jamais publié en France, Contraceptions mode d'emploi,
(2001). Visant le grand public, le livre a touché beaucoup
plus de lecteurs et de lectrices que s'il s'était adressé
aux seuls médecins, note Martin Winckler. "Les médecins
qui l'achètent sont ceux qui, comme moi, rêvaient
d'un manuel pratique pour répondre aux questions de leurs
patients, dit-il à la blague. Certaines lectrices m'ont
déclaré l'avoir conseillé, voire même
offert à leur médecin."
Des soignants qui vivent
Là où le bât blesse dans la pratique
de la médecine, c'est que plusieurs médecins répètent
automatiquement les mêmes gestes, lors d'un examen ou d'une
opération, sans se demander s'ils pourraient procéder
autrement, que ce soit de manière plus simple, plus douce
ou plus respectueuse. Briser la routine, s'interroger sur des
gestes cent fois posés, le tout dans un contexte où
le malade n'est pas traité comme un numéro mais
comme un être humain à part entière, voilà
le chemin à prendre sous peine de se perdre dans les méandres
de l'habitude. Mais au-delà de toutes ces considérations,
soigner n'est pas seulement soigner les autres, c'est aussi se
soigner soi-même, estime Martin Winckler.
"Il est primordial que le médecin ait des vacances,
des engagements, des moments de paresse et d'oubli, souligne-t-il.
En somme, qu'il ait une vie riche et gratifiante, ce qui ne
peut que rejaillir sur ceux et celles qu'il soigne. En effet,
les patients n'ont pas besoin de soignants qui se sacrifient,
mais de soignants qui vivent."

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