
Partir, revenir
Au Québec, la retraite n'est plus
ce qu'elle était
En Amérique du Nord, on est considéré
comme vieux à 45 ans. En Europe, on l'est à 55.
En Asie, la vieillesse commence à 70 ans. Si elles varient
d'un continent à l'autre, ces perceptions ne doivent pas
nous nous faire oublier que l'heure de la retraite sonne pour
tout le monde un jour ou l'autre. Là où le bât
blesse, c'est que certaines entreprises verront leurs effectifs
diminuer dramatiquement sans trop savoir si elles pourront colmater
les brèches laissées par ces départs. Cette
réalité est particulièrement vraie au Québec,
où 30 % des employés des entreprises et même
70 % dans certains cas prendront leur retraite au cours
des prochaines années.
"Tout se passe comme si on avait oublié que les employés
vieillissaient dans les entreprises, affirme Roch Laflamme, professeur
au Département des relations industrielles. On a laissé
partir les baby-boomers en se disant qu'on les remplacerait à
un moment donné. On a insisté pour qu'ils prennent
leur retraite. Mais on a oublié de se demander s'il y
avait du monde pour les remplacer." Selon Roch Laflamme,
la nouvelle tendance consisterait à prendre sa retraite
à 70 ans, par les temps qui courent. Le phénomènes
des familles recomposées, où des parents au milieu
de la quarantaine se retrouvent avec des enfants très
jeunes, pourrait bien faire en sorte que les gens reculeront
le moment du départ. "Il y aura certainement un conflit
entre ceux qui resteront et ceux qui partiront dans les entreprises",
prévoit Roch Laflamme.
Pénurie de main d'oeuvre et mondialisation
Professeur au Département de management, Yvon Gasse
estime également que les entreprises québécoises,
surtout les PME, sont mal préparées à faire
face à la relève, en raison d'une pénurie
de main d'oeuvre qualifiée. "On manque de soudeurs
dans la région de Matane pour construire les éoliennes,
une industrie en pleine expansion", dit-il. Pas mieux dans
le domaine de la haute technologie à Québec, où
le développement et la croissance des entreprises sont
limités à cause du manque de personnel spécialisé.
Mais un autre facteur menace les entreprises et c'est celui de
la mondialisation, dont les organisations n'avaient pas mesuré
l'ampleur. Face à la Chine, les entreprises manufacturières
doivent se repositionner et axer leurs énergies sur la
conception, le design, la commercialisation, les alliances, pour
ne citer que ces exemples. Mal préparées à
ces changements, les entreprises ne savent plus à quel
saint se vouer.
À l'Université Laval, entre 175 et 200 personnes
prennent leur retraite annuellement. De ce nombre, près
de 45 % sont des employés de soutien, 30 % des professeurs
et 25 % des professionnels. Comme bien des employeurs, l'Université
se trouvera bientôt confrontée à une véritable
révolution démographique. "En collaboration
avec les comités de nos syndicats, nous faisons beaucoup
d'efforts afin que la transition entre les anciens et les nouveaux
employés se fasse en douceur et que l'expérience
accumulée au cours de décennies de travail ne se
perde pas, précise le directeur du Service des ressources
humaines, Claude Mailhot. Depuis bientôt quatre ans, différents
projets et exercices de planification sont en cours à
cet égard."

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