Santé: l'impasse financière ne
serait pas totale
Jean-François Guimond remet en question
deux arguments clés du gouvernement en matière
de financement du système
L'impasse financière anticipée du système
de santé ne serait ni aussi importante que le laisse croire
le ministère de la Santé et des Services sociaux
ni incontournable. De plus, la garantie de l'amélioration
de l'accès aux services de santé ne passerait pas
nécessairement par le recours au financement privé.
Ces affirmations, qui vont à l'encontre d'un certain consensus
social, Jean-François Guimond, professeur au Département
de finance et assurance, les a formulées récemment
devant la Commission des affaires sociales de l'Assemblée
nationale. Le mémoire qu'il y a présenté
répondait au document de consultation de la Commission
intitulé Garantir l'accès: un défi d'équité,
d'efficience et de qualité. "Il est prématuré
de voir l'impasse financière aussi importante, souligne
le professeur. Il faut plus d'information avant de dire qu'on
se dirige tout droit vers un précipice." Jean-François
Guimond ajoute que, dans le document de consultation, l'analyse
des coûts et des bénéfices liés au
système de santé est incomplète, puisqu'elle
ne quantifie en dollars que les coûts et non les bénéfices
attendus de l'amélioration de l'efficience des services.
"De plus, les hypothèses de prévision ne tiennent
pas compte de toutes les sources de revenus, notamment des revenus
de retraite, dit-il. Il est inexact de dire que seuls les travailleurs
actifs soutiendront les retraités. Ces derniers continueront
à financer le système de santé grâce
à leurs revenus imposables provenant de leurs régimes
de retraite."
Le document de consultation propose la création de cliniques
privées pour améliorer l'accès aux services
de santé. Mais, pour Jean-François Guimond, certaines
conditions doivent être respectées pour que cela
soit avantageux en matière de ressources matérielles,
humaines ou financières. Selon lui, dans les conditions
actuelles, la marche est haute pour que ce soit avantageux. "Les
cliniques privées n'ont pas un meilleur pouvoir d'achat
que le gouvernement, indique-t-il. La pénurie actuelle
des ressources humaines forcerait le privé à payer
plus cher que le système public, même en ce qui
a trait aux avantages sociaux. Et le privé ne peut pas
se financer à meilleur taux que le secteur public puisque
celui-ci a un avantage concurrentiel sur le coût d'emprunt."
Selon Jean-François Guimond, le seul avantage des cliniques
privées pourrait se situer sur le plan d'une flexibilité
accrue qui ne sera pas gratuite, toutefois.
Un facteur de productivité
Jean-François Guimond croit qu'il faut changer la
perspective d'analyse du système de santé. "Il
faut voir le système de santé comme un moyen de
création de richesse, et non comme un simple poste de
dépense, explique-t-il. En soignant les gens plus vite
et en réduisant le nombre d'hospitalisations, soit grâce
au virage ambulatoire ou à de meilleurs médicaments,
on ne fait pas que réduire ou contenir les coûts,
on augmente aussi la productivité, car les gens sont absents
du travail moins longtemps." Selon lui, cette productivité
accrue augmente les revenus de la société, le PIB,
ce qui augmente les revenus de l'État car ils sont liés
à l'économie totale. "Le lien entre les dépenses
de santé et leurs revenus n'est pas direct, ajoute-t-il,
mais il existe tout de même. On peut et on doit analyser
ce lien."
Le mémoire de Jean-François Guimond contient cinq
recommandations. Il est notamment proposé de quantifier
en dollars les gains anticipés des améliorations
proposées, d'étudier sérieusement l'effet
du vieillissement de la population et d'explorer d'autres options
que le recours au privé pour le financement du système
de santé. Le mémoire est disponible à l'adresse
suivante: www.fsa.ulaval.ca/personnel/guimondj/Interventions.htm
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