
Cervelle de chat
Deux neuropsychologues démontrent
que la mémoire spatiale n'est pas le fort du félin
domestique
Chez l'éléphant, elle est de dimension proverbiale.
Chez l'oiseau, on la devine minuscule. Chez l'humain, elle est
trop courte ou trop longue, selon que l'on a affaire à
un distrait ou à un rancunier. La mémoire, de toute
évidence, est fort inégalement répartie
parmi la gent animale. D'ailleurs, deux neuropsychologues viennent
d'ajouter une page incendiaire à la sempiternelle querelle
opposant chiens et chats en publiant, dans les pages de la revue
scientifique Animal Cognition, une étude montrant
la supériorité du meilleur ami de l'homme au chapitre
de la mémoire spatiale.
François Doré, de l'École de psychologie
de l'Université Laval, et Sylvain Fiset, de l'Université
de Moncton, ont évalué la capacité du chat
à se souvenir de l'emplacement d'un objet une fois que
celui-ci a disparu de son champ de vision. Cette tâche
peut nous sembler simple, mais elle ne l'est pas pour les animaux
ni, semble-t-il, pour les gens qui oublient constamment l'endroit
où ils ont rangé leurs clés ou garé
leur auto. Pour y parvenir, expliquent les chercheurs, il faut
être en mesure de se faire une représentation spatiale
de l'endroit où est caché l'objet convoité
et de conserver cette image en mémoire pendant un certain
temps.
Les deux neuropsychologues ont donc entraîné un
groupe de 24 chats à accomplir pareille tâche. L'entraînement
consistait à placer chaque chat dans une enceinte expérimentale
et à le récompenser en lui donnant un peu de nourriture
chaque fois qu'il posait la patte sur un jouet. Par la suite,
pendant qu'un expérimentateur retenait le chat, un autre
déplaçait le jouet devant quatre boîtes identiques,
disposées dans l'enceinte à égale distance
de l'animal, avant de le faire disparaître derrière
l'une d'elles. Les chats apprennent rapidement à trouver
l'objet convoité: après cinq séances de
25 essais, ils se dirigent immédiatement vers la boîte
derrière laquelle l'objet a disparu dans 94 % des essais.
Cette belle performance prend toutefois une dégringolade
lorsque les chercheurs placent brièvement un écran
entre la bête et les boîtes, une fois l'objet dissimulé.
Pour des périodes d'éclipse de 0, 10, 30 et 60
secondes, le taux de succès s'établit à
73 %, 44 %, 35 % et 34 %. Après 30 secondes, les chats
font donc à peine mieux que s'ils s'en remettaient au
hasard (1 chance sur 4 boîtes, soit 25 %). La présence
d'incides visuels placés sur les boîtes n'a rien
changé à ces piètres performances.
Une expérience similaire menée sur des chiens avait
livré un taux de succès d'environ 90 % lorsque
l'objet disparaissait pendant 10 secondes ou moins. Ce taux baissait
à mesure que la période d'éclipse augmentait,
mais il se situait tout de même à 60 % après
120 secondes et à 50 % après 240 secondes. Une
performance qui bat à plate couture le hasard... et le
chat!

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