Lâchez pas, les gars!
La "crise du cégep" est souvent une étape
difficile à franchir pour les garçons
La mise en place de groupes de soutien dès le début
de la première session d'études, le tutorat maître-élève,
la formation des enseignants et le marketing social constituent
des mesures gagnantes pour la réussite scolaire des garçons
aux études collégiales. C'est ce qui se dégage
d'une étude menée par un collectif de recherche
dirigé par Gilles Tremblay, professeur à l'École
de service social et par Hélène Bonnelli, psychologue
au Cégep Limoilou, auprès d'étudiants de
ce collège inscrits en Technologies du génie électrique
et Technique de l'informatique, deux programmes à clientèle
fortement masculine. S'étendant de l'automne 2001 à
l'hiver 2004, le projet visait à mieux comprendre l'expérience
d'intégration des garçons aux études collégiales
et à expérimenter diverses mesures de soutien favorisant
leur persévérance et leur réussite scolaire.
"Pour nombre de garçons, le cégep demeure
un lieu de passage difficile, explique Gilles Tremblay. Alors
que le diplôme d'études collégiales devient
de plus en plus un diplôme de base pour l'accès
au travail, les garçons diplôment dans une proportion
nettement moindre que celle des filles en formation pré
universitaire: 58 % contre 69 %. En formation technique, l'écart
s'avère encore plus important, soit 46 % contre 58 %.
Au-delà de cette différence de performance entre
les filles et les garçons, le taux d'échec et d'abandon
scolaire sont plus importants pour ces derniers."
De manière générale, ont noté les
chercheurs, les garçons s'estiment moins compétents
que les filles et sont moins portés à demander
de l'aide. Dans cette période de transition qu'est l'entrée
au collégial, les garçons éprouveraient
davantage de difficultés que les filles à gérer
leur stress et leurs émotions. Plus centrés sur
le moment immédiat, ils ont plus de difficultés
à se projeter vers l'avenir. Dans cet esprit, il faut
développer des moyens pour recentrer régulièrement
les garçons sur leur but, l'un des éléments-clés
de la motivation menant à la réussite scolaire,
de constater Gilles Tremblay. "Certains élèves
ne comprennent pas le lien existant entre les cours de philosophie
et les cours de français et leur programme d'études,
note le professeur. Il faut leur dire que tous ces cours peuvent
leur servir et les inciter à aller de l'avant, même
si le lien n'est pas évident de prime abord."
Casser la glace
Après avoir mené des entrevues auprès
du personnel enseignant et des étudiants, l'équipe
de chercheurs s'est lancée dans l'action, appliquant les
mesures visant à permettre aux garçons de maintenir
le cap sur leurs études et de ne pas sombrer dans les
abîmes du décrochage. Lors de la première
année d'expérimentation, une vingtaine de groupes
de soutien ont été formés pour un total
de 253 étudiantes et étudiants, dont 94 % de garçons,
tous nouvellement inscrits dans leur programme d'études.
Mises sur pied dès la rentrée scolaire, ces rencontres
animées par les enseignants ont permis aux élèves
de créer des liens, de s'informer sur leur nouveau milieu
et discuter de méthodes de travail appropriées.
On pouvait aussi y détecter les élèves dits
à risque, qui étaient référés
au besoin à différents services (psychologie, orientation,
administration, etc.).
Autre mesure mise de l'avant: le tutorat maître-élève,
prenant la forme de rencontres informelles, pour que le jeune
ait la possibilité de parler de ses problèmes à
l'enseignant, que ce soit sur le plan personnel ou scolaire.
"Plusieurs jeunes proviennent de régions éloignés
et sont confrontés pour la première fois à
la vie en ville et en appartement, dit Gilles Tremblay. Ils ont
besoin d'aide, du moins au début. C'est d'autant plus
important que 35 % des jeunes abandonnent dès la première
année." Pour soutenir les étudiants dans leur
démarche d'intégration, une formation a été
offerte aux enseignants. Des spécialistes de la condition
masculine et en relation d'aide ont notamment discuté
du regard que porte la société sur les garçons
ainsi que des habiletés menant à une meilleure
communication avec cette clientèle. Enfin, on a lancé
une campagne de marketing social dont certains messages s'adressaient
spécifiquement aux garçons: "Lâchez
pas les gars, vous avez tout pour réussir!" D'autres
interpellaient à la fois les élèves et le
personnel du cégep: "Je ne suis pas juste là
pour parler, je sais écouter!" Outre ces affiches,
des articles et des communiqués faisant la promotion d'activités
sur la réussite scolaire ont été publiés
dans le journal du cégep, de même que sur le site
Web de l'institution.
Atteindre son but
Les résultats de cette recherche-action sont très
positifs. En effet, les chercheurs ont observé une augmentation
du taux de persévérance chez les élèves
faibles et une diminution du décrochage. Après
la première session d'intervention, le taux de persévérance
était significativement plus élevé pour
la cohorte 2002 (82 %) et 2003 (88 %) que pour la cohorte 2001
(78 %), c'est-à-dire celle qui n'avait pas été
exposée aux interventions. De plus, les élèves
qui ont participé à la première année
d'expérimentation ont été moins nombreux
à changer de programme. "Une transition comme l'entrée
au cégep, c'est une crise et il faut aider les garçons
à passer au travers, souligne Gilles Tremblay. Si nous
en avons aidé plusieurs à persévérer
dans les études, comme les résultats de notre recherche
l'indiquent, nous avons atteint notre but."
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