
La voie du milieu
Le stress ne cause pas le cancer, la pensée
positive n'apporte pas la guérison, la pensée réaliste
permet de s'y adapter
Peut-on guérir du cancer par la pensée positive?
La réponse est non, estime Josée Savard, psychologue
et professeure à l'École de psychologie. À
l'inverse, il est certain qu'entretenir exclusivement des pensées
négatives n'aide pas à s'adapter au cancer. Comme
dans d'autres domaines, la voie du juste milieu représente
encore la meilleure solution, du moins la plus sage. Il s'agit
de la pensée réaliste, qui se situe à mi-chemin
entre la pensée négative et la pensée positive.
Cette façon d'aborder la maladie ne fait peut-être
pas vendre des millions de livres de psychologie populaire, comme
c'est le cas pour la pensée positive, mais elle apparaît
toutefois comme la plus efficace pour s'adapter au cancer selon
Josée Savard qui mène, depuis 1997, un programme
de recherche sur les aspects psychologiques du cancer à
l'Hôtel-Dieu de Québec.
"Tout le monde sait qu'on a le choix d'avoir des pensées
négatives devant un événement ou, au contraire,
de réagir positivement", a expliqué la psychologue
lors d'une conférence "Grand public" organisée
par la Faculté des sciences sociales, le 19 avril, au
pavillon Charles-De Koninck. "Devant un diagnostic de cancer,
une personne peut se dire que c'est une catastrophe et qu'elle
va certainement mourir, alors qu'une autre peut se dire que le
cancer ne la tuera pas et qu'elle en viendra à bout en
entretenant sans relâche des pensées positives,
a souligné la psychologue. La pensée réaliste
consiste en un mélange de ces deux attitudes: la personne
peut s'avouer qu'un diagnostic de cancer constitue une très
mauvaise nouvelle, mais se dire en même temps que plusieurs
n'en meurent pas et qu'elle pourrait faire partie du groupe."
Exprimer ses émotions
Selon la chercheuse, le fait de vouloir à tout prix
écarter les pensées négatives est une arme
à double tranchant pouvant créer un sentiment de
culpabilité chez l'individu qui n'arrive pas, par la force
des choses, à chasser complètement ces pensées
de son esprit. "Les pensées positives peuvent bloquer
une réaction négative au début, mais cet
effet ne dure pas dans le temps, d'affirmer Josée Savard.
À un moment donné, les pensées négatives
reprennent le dessus, une réaction bien légitime
quand on considère la gravité d'une maladie comme
le cancer." De même, il n'est pas prouvé que
participer à une thérapie de groupe avec des personnes
atteintes de cancer, où il est possible d'exprimer ses
émotions et de se soutenir mutuellement, empêche
le cancer de progresser. En revanche, ces rencontres peuvent
améliorer la qualité de vie et diminuer le taux
de détresse psychologique chez certains individus.
La plupart des études ne trouvent aucun lien entre des
éléments de stress majeurs comme, par exemple,
le décès d'un enfant ou d'un parent, et l'apparition
du cancer. Il existe cependant davantage de preuves que des facteurs
psychologiques tels que la dépression soient associés
à une progression plus rapide du cancer. Par contre, on
sait que le tabagisme, l'alimentation, l'hérédité
et l'environnement pèsent plus lourd dans la balance.
"Loin de moi l'idée de minimiser la portée
de la pensée positive mais, en attendant des preuves scientifiques
plus importantes, il faut éviter d'être trop catégorique
sur le rôle des facteurs psychologiques dans le développement
du cancer, insiste Josée Savard. Le stress ne cause pas
le cancer et la pensée positive n'apporte pas la guérison.
À ce jour, ce sont encore les traitements oncologiques
qui augmentent les chances de vaincre cette maladie."

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