
Le privé en recherche: jusqu'où aller? La controverse entourant le dossier Sobeys a coloré un débat sur la place du secteur privé dans la recherche universitaire "Si l'on répertoriait tous les équipements prêtés à l'Université Laval par l'entreprise privée, on verrait que ça fait longtemps que le privé occupe une place certaine sur le campus, d'abord dans le financement de la recherche, ensuite dans l'exécution de la recherche." C'est par ce commentaire que Jean-Claude Dufour, professeur au Département d'économie agroalimentaire et sciences de la consommation, a lancé le débat sur la place du secteur privé dans la recherche universitaire, le mardi 11 avril à l'Agora du pavillon Alphonse-Desjardins. L'événement, qui a fait salle comble, était présenté par les deux grands regroupements étudiants de l'Université, l'AELIÉS et la CADEUL. Il avait lieu alors que la possibilité que la chaîne Sobeys Québec puisse construire sur le campus un édifice abritant un magasin d'alimentation intégré à un centre de formation et de recherche suscite une vive controverse. "Sans cofinancement, a ajouté le professeur qui est à l'origine du projet Sobeys, bien des instituts de recherche du campus n'existeraient pas et plusieurs disparaîtraient si le financement privé leur était retiré."
Jean-Claude Dufour a rappelé que les ententes de partenariat avec le secteur privé existent depuis une quarantaine d'années à sa faculté (Sciences de l'agriculture et de l'alimentation). Et environ 50 % du budget de recherche facultaire actuel, lequel s'élève à 18 millions de dollars par année, fait l'objet de partenariats. Il a de plus précisé que l'implication du privé à l'Université se résume à du financement à des fins complémentaires, ou à de l'aide complémentaire. Ce qui veut dire que l'État demeure le principal bailleur de fonds pour le financement de la recherche. Selon Jean-Claude Dufour, tous les partenaires doivent se soumettre aux modes de fonctionnement de l'Université. "Ils ont l'obligation de respecter les règles de gouvernance interne." L'accès aux données Un des arguments des promoteurs du dossier Sobeys est à l'effet que l'accès aux données de recherche sera facilité. "Partout au monde 90 % des données sont difficiles d'accès, a soutenu Gilles Gagné, professeur au Département de sociologie. Et c'est comme ça dans toutes les disciplines. Dans cette logique, va-t-on créer un quartier cosmopolite parce qu'on veut étudier un quartier cosmopolite?" Selon ce dernier, la question fondamentale à se poser dans ce dossier porte sur l'orientation que les pouvoirs publics veulent donner à l'institution universitaire. "On voit l'université un peu comme une espèce de Mont-Orford qui ne sert à rien et qui pourrait être la base d'un fantastique développement économique si c'était utilisé intelligemment. Et ça n'arrivera que si l'on peut associer très étroitement la recherche universitaire, productrice de savoir, avec les industries productives."
Cécile Sabourin, professeure à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, a dénoncé, pour sa part, le fait que les professeurs soient invités à "être des PME" dans la recherche du financement qui leur permettra de réaliser leurs travaux. "C'est le rôle fondamental d'un professeur, comme producteur d'un savoir libre et critique sans que l'on se questionne, qui est en train de s'éroder", a-t-elle affirmé. Selon elle, une autocensure commence à apparaître. "Dans le vécu quotidien des professeurs, et pour plaire aux pourvoyeurs de fonds privés et publics, on entend de plus en plus parler d'autocensure, du fait de se prononcer de façon plus mesurée, de peur que ce qu'on dit ou fait puisse avoir un impact sur l'obtention de fonds ou sur notre carrière." 
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