Un diplôme, et vite!
Les universités sont-elles en train
de se transformer en vastes centres commerciaux où l'étudiant
magasine son professeur ou ses cours?
Les étudiants universitaires veulent-ils apprendre
ou simplement avoir un diplôme? C'est ce qu'a voulu savoir
Céleste Grimard-Brotheridge, professeure au Département
d'organisation et de ressources humaines de l'UQAM, dans une
recherche où elle a sondé 188 étudiants
inscrits à un cours obligatoire de management. Au moyen
d'un questionnaire administré à plusieurs reprises
au cours de la session, la professeure a analysé la prévalence
du degree purchasing chez ces étudiants, qui se
définit comme une propension à concevoir le diplôme
comme un moyen d'accéder au marché du travail plutôt
qu'une façon d'acquérir des connaissances.
L'un des résultats les plus concluants de l'étude
est que 81 % des répondants ont affirmé être
d'accord avec l'idée selon laquelle l'éducation
ne représente qu'un véhicule pour accéder
au marché du travail. De plus, les femmes étaient
plus nombreuses que les hommes à estimer qu'apprendre
n'avait pas d'importance. Céleste Grimard-Brotheridge
a aussi découvert qu'il existe un lien entre la dévalorisation
de l'apprentissage et certaines stratégies de résistance,
comme le fait de remettre en question l'autorité d'un
professeur, lui donner de mauvaises évaluations, inventer
des excuses, ne pas se préparer au cours, manquer d'attention,
etc. "Les étudiants qui sont axés sur l'acquisition
du diplôme au détriment de l'acquisition de connaissances
apprennent passivement et ont des niveaux d'engagement et d'enthousiasme
très faibles, constate la professeure. Il y de bonnes
possibilités que ce désengagement et cette résistance
chez certains étudiants contaminent l'attitude et le comportement
des autres étudiants du groupe. Les professeurs qui essayent
d'inspirer l'amour des études à leurs étudiants
dans une classe remplie de degree purchasers n'ont vraiment
pas la tâche facile."
Activités sociales et récréatives
Selon Céleste Grimard-Brotheridge, la tendance à
la commercialisation de notre société encourage
les universités à adopter un discours où
sont valorisés l'utilisation des pratiques d'entreprise,
l'élitisme et la compétition avec d'autres universités.
L'enseignement est vu comme un produit et les étudiants
comme des consommateurs ou des clients. Enfin, il arrive souvent
que les universités ne soient pas présentées
comme des lieux d'apprentissage mais comme des centres de villégiature
mettant l'accent sur les activités sociales et récréatives.
"Cette commercialisation des universités engendre
chez les étudiants la perception qu'ils sont des clients
et que les professeurs doivent tout mettre en oeuvre pour satisfaire
leurs besoins, explique Céleste Grimard-Brotheridge. Dans
ce contexte, les évaluations de cours deviennent des mesures
de la satisfaction des clients qui favorisent les enseignants
qui sont à la mode, amusants ou peu exigeants."
Selon la chercheuse, il y ainsi lieu de s'interroger sur le but
des évaluations de cours effectuées par les étudiants.
"Quand on parle de degree purchasing, c'est une question
de grande importance, souligne Céleste Grimard-Brotheridge.
Les professeurs doivent se demander s'ils responsabilisent les
étudiants et si les évaluations de cours mettent
l'accent sur les efforts que les étudiants font eux-mêmes
pour apprendre. De même, les programmes offerts dans les
universités doivent encourager la motivation intrinsèque
et faire en sorte que l'étudiant comprenne qu'il est la
source de ses succès et de ses échecs."
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