Le courrier
Un petit centre d'achat, avec ça?
Dans sa recherche désespérée de financement,
l'Université Laval cherche à s'associer avec le
groupe Sobeys pour créer un "magasin-école"
sur le campus assorti d'une Chaire Sobeys en commerce de détail.
Le doyen de la Faculté des sciences de l'agriculture et
de l'alimentation se fait le promoteur de ce projet auprès
des instances universitaires. Il y a lieu de s'inquiéter
d'un tel projet, principalement sur le plan académique.
Alors que l'Université est déjà sur la sellette
médiatique pour des recherches sur le jeu commanditées
par Loto-Québec, veut-on continuer à être
la cible d'interrogations sur l'éthique de la recherche
que nous pratiquons dans notre institution?
Le document présenté pour "vendre" le
projet au CA promet mer et monde: rôle dans la formation
des étudiants, laboratoire de recherche, services à
la collectivité. En contrepartie de la construction d'un
supermarché, Sobeys financerait une Chaire de recherche
à hauteur initiale de 2 millions de dollars en plus d'y
verser une partie de ses profits. Quant à l'Université,
elle fournirait le terrain (5 000 m2), des profs, des étudiantEs.
Ce document précise également que la Chaire soutiendra
"le développement et l'adaptation de cours, la réalisation
de recherche sur le comportement du consommateur, l'adaptation
des magasins aux attentes de la clientèle, les besoins
des entreprises quant à la gestion de la chaîne
d'approvisionnement, le développement de sessions de formation
continue". Est-ce là le genre d'université
que nous voulons? Une université qui pratique la formation
sur mesure pour une entreprise? Une université dont les
ressources professorales sont mobilisées afin d'accroître
la profitabilité d'une entreprise? Une université
dont les étudiantEs servent de cheap labor?
En tant que professeurEs, nous pensons plutôt que la
mission de l'université doit en être une qui valorise
la formation fondamentale chez les étudiantEs, ce qui
permet qu'ils et elles deviennent non seulement des travailleuses
et des travailleurs compétents, mais aussi des citoyennes
et des citoyens critiques. Nous pensons également que
la recherche doit être pratiquée en toute liberté.
Après les batailles entre Coke et Pepsi pour le monopole
des machines distributrices, après l'installation d'une
imitation des zones de fast-food des centres commerciaux
au rez-de-chaussée du Desjardins, l'Université
veut maintenant nous faire avaler un supermarché. À
quand le projet d'un centre d'achat au complet?
DIANE LAMOUREUX
Professeur titulaire, Département de science politique,
Université Laval
Cette lettre a reçu l'appui d'autres professeures et
professeurs de l'Université Laval: Georges Azzaria, Claude
Bariteau, André Bélanger, Colette Bernier, Mustapha
Bettache, Manon Boulianne, Marie-Andrée Couillard, Michelle
Cumyn, Denys Delâge, Louis-Jacques Dorais, Sabrina Doyon,
Andrée Fortin, Gilles Gagné, Serge Genest, Jean-Jacques
Gislain, Jean Noël Grenier, Frédéric Hanin,
Martin Hébert, Mark Hunyadi, Pierre Issalys, Marie-France
Labrecque, Sylvie Lacombe, Louise Langevin, Jacques Larochelle,
Frédéric Laugrand, Raymond Massé, Bjarne
Melkevik, Sylvie Morel, Roberta Mura, Madeleine Pastinelli, Sylvie
Poirier, Louise Quesnel et Marie-Andrée Ricard.
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