À contre-courant
Des chercheurs du Département de
réadaptation remettent en question le recours à
l'électrothérapie dans le traitement des lésions
cutanées
Une étude réalisée par deux chercheurs
du Département de réadaptation semble créer
certaines tensions dans le monde de la physiothérapie.
En effet, dans une récente édition de la revue
Physical Therapy, Charles Godbout et Jérôme
Frenette rapportent que l'électrothérapie, une
procédure employée pour accélérer
la guérison des blessures cutanées chez les personnes
diabétiques, paraplégiques ou alitées pour
de longues périodes, ne produit pas toujours les effets
escomptés. Les deux chercheurs arrivent à cette
conclusion après avoir testé l'effet d'un courant
électrique sur un modèle expérimental de
blessure tissulaire.
En théorie, l'application d'un courant électrique
devrait favoriser la migration des cellules responsables de la
réparation des tissus endommagés - les fibroblastes
-, et accélérer la guérison des blessures.
Pour mettre la théorie à l'épreuve, les
deux chercheurs ont élaboré un modèle tissulaire
qui reproduit, bien imparfaitement, reconnaissent-ils, ce qui
se passe dans le corps à la suite d'une blessure. Ils
ont d'abord cultivé in vitro un tissu formé
de quelques couches de cellules puis, à l'aide d'une pipette,
ils l'ont égratigné pour simuler une blessure.
Ils ont ensuite mesuré la vitesse à laquelle les
cellules réparatrices se déplaçaient vers
la blessure et le temps qu'elles prenaient pour la refermer,
en faisant varier l'intensité du courant électrique
auquel était soumis le montage expérimental.
Résultats? Le courant électrique n'a pas accéléré
la migration des cellules ni la réparation des tissus.
Les voltages élevés, maintenus pendant une période
prolongée, ont même ralenti le processus de réparation
de la blessure. "Il semble que la migration des cellules
fonctionne déjà de façon optimale et que
l'application d'un courant électrique interfère
avec les signaux moléculaires ou cellulaires qui la contrôle",
avancent les auteurs de l'étude.
Ces conclusions risquent de perturber les habitudes des physiothérapeutes
qui avaient adopté l'électrothérapie sans
mettre en doute ses fondements. D'ailleurs, la publication de
l'article des chercheurs de l'Université n'a pas fait
que des heureux. Fait plutôt rare, un chercheur américain,
qui avait agi comme arbitre pour la revue, a publié un
commentaire critique de quatre pages sur leur étude dans
le même numéro. Pourtant, Charles Godbout et Jérôme
Frenette sont bien loin de réclamer qu'on passe l'électrothérapie
à la trappe. "Certaines études ont déjà
rapporté des effets bénéfiques de ce traitement,
souligne Charles Godbout. Tout ce que nous disons est qu'au lieu
d'appliquer l'électrothérapie de façon routinière
sans poser de questions, il faut faire de la recherche pour découvrir
les conditions qui permettent de l'utiliser avec une efficacité
optimale."
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