¡Salud Cuba!
Infomed, le portail cubain de la santé,
aurait beaucoup à nous apprendre
Il y a quelques années, Ann Séror est tombée
sur des données qui l'ont sidérée. Une étude
de l'Organisation mondiale de la santé montrait que le
système de santé américain venait au 37e
rang mondial au chapitre de la performance, deux places devant
Cuba, même si les investissements en santé per capita
se situaient à 3 800 $ au pays de l'oncle Sam - le plus
élevé au monde -, contre à peine de 109
$ au pays de Fidel. L'extraordinaire performance de Cuba a piqué
la curiosité de la professeure du Département de
management qui a voulu savoir ce qui se cachait derrière
ces chiffres. "Le système de santé cubain
est souvent cité en exemple, mais presque personne n'a
pris la peine d'étudier sa structure et son mode d'organisation",
constate la spécialiste du management et des technologies
de l'information.
Ann Séror a entrepris de corriger cette lacune en se penchant
notamment sur le cas du portail de santé cubain Infomed
(www.sld.cu/). Le gouvernement
cubain a créé ce site en 1992 au moment où
l'économie cubaine battait de l'aile. "Par souci
d'économie, Cuba a misé sur un réseau électronique
en santé plutôt que d'investir dans la brique et
le mortier", explique la chercheure. Dans le dernier numéro
de la revue scientifique Journal of Medical Internet Research,
Ann Séror dresse un bilan très positif du portail
Infomed. "Considérant les ressources disponibles
dans ce pays en voie de développement, il s'agit d'un
modèle d'intégration de l'information sur les services
de santé, la recherche et l'éducation de la population",
juge-t-elle.
Toutefois, prévient la chercheure, le modèle cubain
de portail de santé ne peut pas être transposé
sans discernement dans les autres pays, notamment en raison de
deux éléments propres aux valeurs socialistes.
"Les règles cubaines qui balisent la propriété
intellectuelle et la vie privée diffèrent de celles
qui prévalent dans de nombreux pays, notamment le Canada
et les États-Unis, souligne-t-elle. Le portail est cohérent
avec les valeurs idéologiques socialistes qui préconisent
un accès universel au système de santé.
Dans le cas d'Infomed, on ne peut reprocher aux Cubains de ne
pas faire ce qu'ils disent."
Considérant les règles qui limitent l'accès
à l'Internet et la possession d'ordinateurs personnels
à Cuba, l'idée d'utiliser un portail pour diffuser
de l'information sur la santé auprès de la population
peut sembler paradoxale. Selon le World Factbook publié
par la CIA, Cuba compterait à peine 120 000 connexions
Internet. "L'accès direct et privé à
Internet est limité, reconnaît Ann Séror.
Cet accès se fait plutôt selon un modèle
collectif. Par contre, le taux d'alphabétisme très
élevé (97 %) favorise la diffusion de l'information
dans la population."
L'étude d'Ann Séror a été reçue
avec un plaisir non dissimulé à Cuba. Pendant qu'Infomed
en affichait les résultats sur sa page d'accueil, l'agence
de presse Prensa Latina de La Havane diffusait un communiqué
qui donnait une teinte légèrement partisane aux
conclusions de la chercheure. "Dans le passé, on
m'a déjà reproché d'exprimer mes opinions
à travers mes recherches, signale la professeure d'origine
américaine. Pourtant, j'essaie toujours de donner une
perspective objective à mes travaux. Dans le cas d'Infomed,
je crois sincèrement qu'il s'agit d'un cas fascinant dont
nous pouvons beaucoup apprendre."
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