
Paysage lunaire et thé salé
Étudiantes en enseignement du français
langue seconde, Marianne Dubé et Nancy Fall ont craqué
pour la Mongolie
Il était une fois deux filles qui rêvaient d'aller
en Mongolie. Non pas pour y rouler en jeep à travers les
steppes immenses mais plutôt pour y réaliser un
projet de coopération entre deux écoles, l'une
située à Québec et l'autre dans le petit
village de Bayantsogt. Quatre mois après être revenues
de leur périple, Nancy Fall et Marianne Dubé, étudiantes
en enseignement du français langue seconde au Département
de langues, linguistique et traduction, ont encore en mémoire
l'image de ces écoliers aux yeux bridés qui évitaient
de croiser leur regard, respectant ainsi les usages. Qui plus
est, la Mongolie, vaste pays enclavé entre la Russie et
la Chine, ne reçoit pas beaucoup de visiteurs et encore
moins de visiteurs de la trempe de Nancy Fall et Marianne Dubé,
qui viennent à pas feutrés marcher dans un espace
dépaysant à souhaits, sans vouloir imposer quoi
que ce soit à qui que ce soit.
"Nous ne voulions pas débarquer en Mongolie comme
des Occidentales qui arrivent avec un sac à dos bourré
de connaissances et de cadeaux, raconte Marianne Dubé.
Le but du projet était de favoriser le dialogue entre
deux cultures et que chacun apprenne l'un de l'autre par le biais
d'un livre écrit par les élèves." Cette
belle aventure a commencé en septembre 2004, alors que
les deux étudiantes font la connaissance, au Québec,
d'une jeune Mongole ayant épousé un Québécois.
Cette rencontre leur permettra d'entrer en contact avec une résidente
du village de Bayantsogt et par la suite, de jumeler une classe
de 3e année du primaire de l'école Saint-Jean-Baptiste
de Québec à celle de l'école de Bayantsogt.
Dans le cadre du projet, les élèves québécois
devaient dresser en quelque sorte un portrait de la société
québécoise en écrivant sur différents
thèmes comme les sports d'hiver, le Carnaval, les métiers
et professions, etc. "Nous insistions auprès des
enfants sur le fait que les destinataires du livre ne savaient
rien de leur pays, dit Marianne Dubé. Tout le monde a
embarqué avec enthousiasme dans le projet. Une fois le
livre révisé et traduit en mongol, nous sommes
parties pour la Chine, en avril 2005." De Pékin,
elles ont pris le Transsibérien, un voyage de 26 heures,
qui les a menées jusqu'à Oulan-Bator, capitale
de la Mongolie. Fait à noter, les jeunes femmes ont financé
elles-mêmes leur projet. Elles avaient d'ailleurs participé
chacune de leur côté à d'autres projets de
coopération au Sénégal, au Bénin,
au Maroc et au Mexique.
Chants et chevaux
À Bayantsogt, une classe composée de 18 garçons
et quatre filles attendait impatiemment ces Québécoises
venues du bout du monde. Le contact s'est bien établi,
dès le départ. Forte de leur trentaine d'heures
de cours de mongol suivis au Québec, les deux jeunes femmes
se sont bien débrouillées pour communiquer avec
leurs hôtes. Mais tout restait à apprendre. "Leur
système scolaire ressemble beaucoup à notre réforme
de l'éducation, dit Marianne Dubé. Par exemple,
les élèves fonctionnent par projet. Mais la similitude
entre les deux systèmes s'arrête là, en ce
sens que les élèves qui obtiennent de moins bons
résultats subissent un discours dévalorisant devant
toute la classe. Les professeurs exigent également qu'ils
aillent s'asseoir au fond de la classe." Pour le reste,
les élèves suivent des cours de mathématiques,
de mongol, d'histoire, de géographie et d'arts plastiques.
Une large place à l'horaire est accordée au chant.
Les locaux et le matériel scolaire, eux, sont plutôt
modestes, pour ne pas dire vétustes. La classe a lieu
l'avant-midi seulement, les élèves allant aider
leurs parents à garder les troupeaux de bêtes en
après-midi. Les animaux occupent une place importante,
en Mongolie. "On y trouve davantage de chevaux que d'humains,
révèle Nancy Fall. D'ailleurs, les gens ne s'accostent
pas en se demandant de leurs nouvelles mais s'informent plutôt
de l'état d'engraissement du troupeau de leur interlocuteur."
Vivant dans une yourte avec, au beau milieu, une "truie"
pour se chauffer, ces enseignantes en herbe ont mangé
du mouton, encore du mouton et toujours du mouton, la viande
du pays, le tout arrosé de thé salé au lait.
Tous les jours, elles faisaient l'aller-retour de leur yourte
à l'école du village, une marche de quatre kilomètres
effectuée dans un paysage lunaire ne comportant aucune
route et exempt d'indication. "Au début, en bonnes
Nord-Américaines, nous voulions rentabiliser notre temps
mais au bout d'un certain temps, nous avons laissé le
temps s'écouler", souligne Marianne Dubé.
Au retour, ramenant précieusement le livre qu'ont réalisé
les élèves de la classe de 3e année de l'école
de Bayantsogt, elles ont fait goûter de ce fameux thé
salé au lait aux élèves de l'école
Saint-Jean-Baptiste.
De leur expérience au pays de Gengis Khan, Marianne Dubé
et Nancy Fall gardent non seulement un souvenir impérissable
mais aussi une volonté d'aller jusqu'au bout de leurs
aspirations les plus profondes. Si l'enseignement en milieu défavorisé
les attire fortement, elles souhaitent aussi mettre sur pied
d'autres projets de l'ordre de celui qu'elles ont initié
en Mongolie. "Les échanges pédagogiques entre
pays sont essentiels, dit Marianne Dubé. Mais le plus
important est de constater qu'il est possible de réaliser
un projet de coopération indépendant, qui respecte
nos valeurs." Pour plus d'informations sur le projet, vous
pouvez écrire à quebecmongolie@hotmail.com

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