Prenez-vous vos pilules?
Étudier la consommation de médicaments
est un casse-tête pour lequel il n'existe malheureusement
pas de panacée
par Jean Hamann
Ce n'est pas parce qu'un médecin prescrit un médicament
qu'on peut conclure que le patient va se rendre à la pharmacie
pour l'acheter. Ce n'est pas parce que le patient se procure
ce médicament qu'il ne cessera pas de le prendre dès
le lendemain. Enfin, ce n'est pas parce qu'il veut suivre le
traitement à la lettre et qu'il y met toute sa bonne volonté
qu'il respectera, jour après jour, la posologie prévue.
Dans pareilles conditions, l'étude des habitudes de consommation
des médicaments est un véritable casse-tête
pour lequel il n'existe malheureusement ni médicament,
ni solution simple. "La non-observance des traitements fait
en sorte que l'efficacité théorique d'un médicament
ne correspond pas à son efficacité réelle
sur le terrain", a expliqué le professeur de la Faculté
de pharmacie, Jean-Pierre Grégoire, lors d'une conférence
présentée le 16 janvier devant les membres de l'Unité
de recherche en santé des populations. "On ignore
l'ampleur de l'écart, mais si on vise l'utilisation optimale
des médicaments, il faut déterminer quels facteurs
nuisent à l'observance", a-t-il fait valoir.
Même si la non-observance est présentée
comme un obstacle majeur dans le traitement de certaines maladies,
son importance réelle n'est pas encore connue, souligne-t-il.
"Certains avancent que le phénomène touche
la moitié des gens traités pour maladies chroniques,
mais, dans les faits, c'est peut-être moins que ça.
On croyait que les personnes âgées étaient
particulièrement à risques, mais des études
ont montré que, à moins qu'elles ne souffrent de
problèmes cognitifs particuliers, elles gèrent
leurs médicaments aussi bien, sinon mieux, que les plus
jeunes."
Les quinze années de travail que le professeur Grégoire
a consacrées à l'étude des facteurs qui
influencent l'adhésion aux traitements pharmacologiques
lui ont appris une grande leçon: si on veut élaborer
des interventions pour améliorer les habitudes de prise
de médicaments, on a tout intérêt à
isoler les comportements d'acceptation (j'entreprends le traitement),
de persistance (je poursuis le traitement) et d'observance (je
suis le traitement à la lettre). Et pour y arriver, il
faut procéder à des études qui reposent
sur les entrevues personnelles. "Il est assez difficile
de trouver du financement pour ce genre de recherche", reconnaît-t-il
toutefois.
Les informations contenues dans les banques de données
des régimes d'assurance-médicaments sont utiles
pour certaines études pharmaco-épidémiologiques,
mais il faut les utiliser avec discernement. "La plupart
des études montrent que près de la moitié
des patients abandonne leur traitement dans la première
année. Ça semble épouvantable, mais comme
nous l'avons démontré récemment dans une
étude sur les médicaments contre l'hypertension,
si on effectue un suivi à plus long terme, on constate
que 54 à 75 % de ceux qui ont abandonné leur traitement
le reprennent dans l'année qui suit", précise-t-il.
Les études sur la persistance au traitement initial abordent
souvent la question sous l'angle qui intéresse la compagnie
qui fabrique le médicament et qui finance la recherche,
constate Jean-Pierre Grégoire. "D'un point de vue
de santé publique, la question n'est pas de savoir si
le patient consomme toujours le médicament qui lui a été
d'abord prescrit, mais bien s'il bénéficie toujours
d'un traitement."
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