De l'ironie graphique
L'esthétique mordante de Michal
Batory à la Galerie des arts visuels
Il suffit de franchir la porte de la Galerie des arts visuels
pour se retrouver instantanément au coeur de la vie culturelle
française. Musique, théâtre, danse, nombre
des grandes productions artistiques qui ont rythmé le
quotidien des amoureux de la culture ces dix dernières
années à Paris s'affichent sur les murs. L'âme
de ce grand voyage par affiches interposées s'appelle
Michal Batory. Depuis plusieurs années, ce graphiste couronné
en mai 2004 par le Festival International de l'Affiche et des
Arts Graphiques de Chaumont marque de son empreinte visuelle
les panneaux d'affichage de la capitale française, avec
des images jouant souvent sur le double sens.
Élève de l'école polonaise de l'affiche
dans les années 1970, ce créateur a profité
de sa jeunesse sous un régime communiste épris
de censure pour explorer les nombreuses nuances de l'ambiguïté
visuelle. "À cette époque, le jeu consistait
à produire des messages au deuxième ou troisième
degré pour confondre les censeurs", raconte-t-il.
Formé à l'ironie, le graphiste aime aujourd'hui
produire des affiches faisant appel à la métaphore
et à la curiosité pour annoncer une pièce
de théâtre, une chorégraphie, une saison
musicale. Ainsi, une main fait office de bougeoir pour un doigt,
afin d'inviter à aller voir le drame shakespearien Titus
Andronicus . Pourquoi? Tout simplement parce que dans ce
drame, le héros et général romain se mutile
pour libérer ses fils prisonniers. Autre métaphore,
le bout du canon du revolver de Billy the Kid recourbé
rappelle que cette légende du Far West a vécu des
armes et est morte par les armes.
"Je pense que les choses intéressantes sont proches
de nous et que nous sommes responsables du fait qu'elles deviennent
un cauchemar ou un paradis."
S'informer d'abord
Engagé depuis plusieurs années par le Théâtre
national de Chaillot et le Théâtre de la Colline,
Michal Batory consacre du temps avant chaque spectacle à
lire les pièces de théâtre dont il fait la
promotion, et à discuter avec les créateurs. Des
rencontres primordiales lorsque la pièce est montée
pour la première fois ou s'il s'agit d'une production
mêlant plusieurs genres artistiques. "Il me faut
parfois faire preuve d'intuition et d'anticipation car je dois
travailler sur l'affiche longtemps avant que les répétitions
ne démarrent", raconte le graphiste." Soucieux
de bien traduire en images s les élans créatifs
de ces contemporains, Michal Batory fréquente donc assidûment
les galeries d'art actuel, les grandes expositions comme les
biennales, tout en s'intéressant à la musique et
à la danse.
Les objets du quotidien, photographiés ou dessinés,
inspirent beaucoup cet artiste qui raconte parcourir rarement
plus de 500 mètres pour concevoir ses images. Avec lui,
de simples cotons-tiges prolongent un diapason en métal
pour annoncer la saison à venir en création musicale
contemporaine, une baguette de pain se fait saxophone, un oignon,
porte-étendards. Attentif à son environnement immédiat,
Michal Batory récupère les objets dans la rue,
les achète aux marchés aux puces, les découvre
chez les commerçants du quartier avant de leur donner
un nouveau sens sous la lentille de son appareil photo. "Je
pense que les choses intéressantes sont proches de nous
et que nous sommes responsables du fait qu'elles deviennent un
cauchemar ou un paradis", précise-t-il. Manifestement,
l'utilisation du hasard dans l'affiche l'intéresse puisqu'il
donnera un atelier sur ce thème aux étudiants à
l'École internationale d'été de Percé
dans quelques mois.
Vernissage, en présence de l'artiste, le vendredi 20 janvier,
à 17 h, à la Galerie des arts visuels, 255, boulevard
Charest Est, où l'exposition se poursuivra jusqu'au 19
février. Une conférence sur l'affiche culturelle
aura lieu par ailleurs le même jour, de 13 h à
16 h 30, avec Michal Batory, Gaston Côté, de Paquebot
Design, Anouk Pennel-Duguay et Raphaël Daudelin de FEED,
à l'ÉNAP, au 555, boulevard Charest Est. Coût
d'entrée:10 $ pour les étudiants et 40 $ pour les
professionnels.
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