L'année De Koninck
Radio-Canada nomme le mathématicien
Jean-Marie De Koninck Scientifique de l'année 2005
Lorsque le journaliste Yanick Villedieu lui a appris qu'il
venait d'être choisi Scientifique de l'année 2005
de Radio-Canada, Jean-Marie De Koninck n'a eu pour toute réaction
que deux mots: "Pourquoi moi?". "J'étais
surpris et surtout embarrassé, admet-il. Il y a tellement
de bons scientifiques au Québec, bien meilleurs que moi,
que je ne comprenais pas pourquoi on voulait m'accorder cet honneur."
Pour le convaincre d'accepter, Yanick Villedieu n'a eu qu'à
lui faire la démonstration par a + b que c'était
là une belle occasion de parler de mathématiques
et de sciences à un vaste auditoire. L'affaire était
entendue.
Depuis 1987, Radio-Canada décerne le prix du Scientifique
de l'année à un chercheur qui, au cours de l'année
écoulée, s'est illustré dans sa discipline
par une découverte, une publication ou une réalisation
remarquable, de nature scientifique et de portée nationale
ou internationale. La liste des récipiendaires couvre
un large pan des sciences; on y trouve des cancérologues,
des médecins, des biologistes, un paléontologue,
un physicien, un astrophysicien, une bioéthicienne et
même un sociologue. Mais c'est la toute première
fois que ce prix honore un mathématicien. C'est aussi
la première fois que l'oeuvre de communication du récipiendaire
pèse aussi lourd dans le choix du jury. "Je pense
que les efforts de vulgarisation que j'ai faits avec le projet
SMAC ont fait pencher la balance en ma faveur", reconnaît
le professeur De Koninck.
Depuis quelques mois, Jean-Marie De Koninck réalise un
vieux rêve en consacrant une bonne partie de sa tâche
au projet SMAC (Sciences et mathématiques en action).
"Nous voulons éveiller et renforcer l'intérêt
des jeunes et de la population envers les maths et les sciences,
explique-t-il. Ici comme dans les autres pays occidentaux, les
jeunes s'intéressent moins aux sciences. La diminution
des inscriptions dans les programmes universitaires de sciences
et génie en fait foi."
Inverser le courant
Pour renverser la vapeur, le professeur et l'équipe
d'étudiants qui l'entoure ont élaboré une
opération en trois temps: un site Web bien branché
sur les maths (www.smac.ulaval.ca), un jeu multimédia
interactif destiné aux élèves du secondaire
et ShowMath, un spectacle-conférence multimédia
pimenté d'humour. Depuis septembre, plus de 3 000 personnes
ont assisté à l'une des sept représentations
de ce spectacle. "Je reçois sans cesse des invitations
de directeurs d'école, souligne Jean-Marie De Koninck.
La demande est très forte et nous parvenons à peine
à y répondre. Je sens que le courant passe avec
les jeunes."
Jean-Marie De Koninck ne se formalise pas que son oeuvre de mathématicien
soit occultée par ses prestations de vulgarisateur scientifique,
par ses analyses de compétitions télévisées
de natation ou par son implication sociale à titre de
président-fondateur de l'Opération Nez rouge. Pourtant,
il est toujours actif en recherche et son dossier fait état
de 57 articles scientifiques et de cinq livres, dont les deux
derniers, Mathématiques de l'ingénieur (Loze-Dion)
et 1001 problèmes en théorie classique des nombres
(Ellipse), sont parus en 2004. "Il y a environ dix ans de
travail dans ces deux ouvrages, mais je suis réaliste
et je comprends que les maths ne sont pas un domaine extrêmement
populaire."
Son analyse du désintérêt des jeunes envers
la science pointe vers une responsabilité partagée
entre plusieurs acteurs. D'une part, les jeunes chez qui la culture
de l'effort fait peu de disciples. "Les sciences exigent
du travail et notre société encourage plutôt
le confort et les solutions faciles", croit-il. D'autre
part, les médias qui font peu pour combler le fossé
entre les scientifiques et la population. Enfin, les scientifiques
eux-mêmes qui, sauf exception, ne déploient pas
d'efforts pour partager leur savoir avec la population. "Les
chercheurs sont de plus en plus spécialisés et
ils communiquent entre eux, mais pas avec le reste de la planète.
À leur décharge, la communication auprès
du public ne compte pas dans l'évaluation de leur travail
même si elle exige une ouverture d'esprit, de la créativité,
de l'innovation, du travail, des habiletés et beaucoup
de temps. Il faudra faire preuve d'imagination et sortir des
sentiers battus pour raviver l'intérêt des jeunes
et de la population pour les sciences."
Radio-Canada récompense le Scientifique de l'année
en lui accordant du temps d'antenne. La société
d'État diffusera, le dimanche 22 janvier, dans le cadre
de l'émission radiophonique Les Années lumière,
une longue entrevue que Jean-Marie De Koninck a accordée
au journaliste Yanick Villedieu. Le même jour, l'émission
de télé Découverte diffusera un reportage
de neuf minutes lors duquel on verra le professeur De Koninck
au travail dans son bureau, à l'entraînement au
PEPS et en action lors de la représentation de ShowMath
qu'il a faite à Ottawa le 28 décembre!
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