
Urgence en la demeure
De futurs architectes ont conçu
divers types d'habitations de secours destinées aux populations
sinistrées
Cet automne, dans le cadre d'un atelier spécial d'une
dizaine de semaines supervisé par le professeur Jacques
White, un groupe de 12 étudiantes et étudiants
de 3e année du baccalauréat en architecture, conjointement
avec 12 autres étudiants de l'École d'architecture
de Saint-Étienne, en France, se sont penchés sur
la conception de modules d'habitation d'urgence pour des populations
sans logement, victimes de la guerre ou d'une catastrophe naturelle
(tsunami, séisme, ouragan, etc.). Au terme de l'exercice,
deux projets québécois, ceux d'Élise Lapierre
et de Gisèle Fraser, ainsi que deux projets français
ont été sélectionnés pour être
construits en France, aux Grands Ateliers de l'Isle d'Abeau,
un pôle d'enseignement, de recherche et d'expérimentation
de la construction situé près de Lyon. La réalisation
des projets a eu lieu au début du mois de décembre.
Les équipes, qui incluaient le concepteur du projet sélectionné,
étaient formées chacune de 3 étudiants québécois
et de 3 étudiants français. Des techniciens, ainsi
que Jacques White et son collègue français, ont
assisté les étudiants dans leur travail.
Les modules imaginés, loin d'être de simples tentes,
devaient pouvoir répondre aux besoins de base d'un groupe
ou d'une famille de 2 à 8 personnes pendant une période
de 3 à 12 semaines. Faciles à transporter, adaptables
à divers types de sols, les modules devaient pouvoir être
assemblés et démontés en moins de six heures
par la main-d'oeuvre disponible sur place. Sur une superficie
d'occupation variant entre 25 et 35 m2, l'habitation humanitaire
devait contenir un point d'eau pour la cuisine, une douche, une
toilette et un lavabo alimentés par une citerne extérieure,
ainsi que des espaces pour manger et pour dormir. Une fois empaquetés,
les éléments constructifs préfabriqués
ne pouvaient mesurer plus de 5 m x 2,5 m x 5 m.
L'ossature de bois et l'architecture nomade
"Le plus grand intérêt de l'expérience
réside probablement dans l'éventail des solutions
proposées, tous les projets étant très différents
les uns des autres", a expliqué Jacques White, le
mardi 20 décembre à l'École d'architecture,
dans le cadre d'une conférence de presse où l'on
présentait les 12 projets québécois. Selon
lui, le projet de Gisèle Fraser a été retenu
pour son usage inventif d'une technique bien connue en Amérique
du Nord, mais beaucoup moins en Europe, la construction à
ossature de bois. "De plus, a-t-il ajouté, les qualités
spatiales de ce projet sont étonnantes pour un espace
si petit et si minimaliste dans son traitement. Dans un volume
très compact, on peut créer des espaces très
bien dimensionnés, comme des mezzanines." Selon Jacques
White, l'intérêt du module est qu'il arrive dans
une boîte complètement fermée et qu'il se
déploie facilement. Bien équipé d'options,
il possède même un toit ouvrant pour assurer la
ventilation.
Le projet d'Élise Lapierre se caractérise par une
économie de matériaux étanches au vent et
à la pluie. Grâce aux quatre points d'appui de son
plancher surélevé, il peut être installé
sur des sols en pente. "Ce projet a été retenu
pour la simplicité et l'exceptionnelle compacité
du concept, soit la facilité de transport et la rapidité
de déploiement, a indiqué Jacques White. Parmi
les 12 projets québécois, c'est celui qui prend
le moins de place dans le transport. En outre, la rigidité
du cadre d'origine et de la structure complémentaire méritait
d'être testée aux Grands Ateliers. L'allusion à
la tente, objet issu des milieux nomades, a été
appréciée du jury. Trois des 4 projets réalisés
en France, dont les 2 québécois, peuvent être
montés en moins de 6 heures."
Cet atelier conjoint a mis en lumière des différences
de vues. Les Français avaient une approche minimaliste
alors que les Québécois y allaient de façon
plus sophistiquée. "Un projet français utilisait
des colombages d'acier très frêles, a expliqué
Jacques White. On s'est rendu compte qu'ils sont étonnamment
solides lorsqu'on sait comment les utiliser. Nous, on fait tout
avec du bois. Ils se sont beaucoup attardés sur de petits
dispositifs constructifs. Ils n'avaient pas de boîtes qui
s'agrandissaient comme dans les projets québécois.
C'étaient plutôt de petits éléments
à assembler, donc des systèmes plus frêles
et plus légers que les nôtres. Mais cette différence
d'approche se défend. Nous, on assumait que le transport
par camion était possible vers les zones sinistrées.
Eux, en général, assumaient que les routes n'étaient
plus accessibles."

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