
Pétrole: le compte à rebours est
commencé
Des sources alternatives comme les sables
bitumineux, le charbon et les schistes argileux semblent prometteuses
"Le pétrole que l'on pompe disparaîtra dans
un horizon pas très éloigné, probablement
d'ici une quarantaine d'années, considérant le
rythme actuel de consommation qui tourne autour de 82 millions
de barils par jour, ainsi que les réserves de pétrole
connues et exploitables dans les conditions économiques
actuelles", a affirmé Jean-Thomas Bernard, professeur
au Département d'économique, le mercredi 30 novembre
au pavillon Charles-De Koninck, dans le cadre d'une Conférence
grand public de la Faculté des sciences sociales. L'exposé
de ce chercheur du Groupe de recherche en économie de
l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
s'intitulait: "Allons-nous manquer de pétrole?"
"Mais, a-t-il ajouté, je ne crois pas que l'on assistera
pour autant à une chute prononcée de la consommation
de l'ensemble des produits pétroliers puisqu'on peut déjà
produire du pétrole à partir d'autres sources prometteuses,
comme les sables bitumineux, le charbon et les schistes argileux."
Selon Jean-Thomas Bernard, la consommation mondiale de pétrole,
en raison de l'augmentation de la population mondiale et de l'accroissement
de l'activité économique, devrait atteindre 120
millions de barils par jour d'ici vingt ans. "Même
si le potentiel pétrolier de la planète demeure
mal connu, a-t-il dit, il reste que le pétrole classique
stocké dans la croûte terrestre depuis des millions
d'années n'est disponible qu'en quantité finie.
Il y aura d'autres découvertes, par contre les meilleurs
endroits ont déjà été explorés.
Donc, on s'attend à trouver des dépôts plus
petits que ceux déjà découverts. Compte
tenu de ce que nous consommons et compte tenu des quantités
ultimes de pétrole disponibles, le déclin de la
production de pétrole classique devrait s'amorcer d'ici
quinze ou vingt ans."
Des ressources fossiles et renouvelables
Le bitume est un mélange d'hydrocarbures qu'il faut
extraire de roches sablonneuses et raffiner. L'Alberta aurait
des réserves de bitume évaluées à
1,7 trillion de barils, soit du même ordre de grandeur
que les réserves de pétrole d'Arabie saoudite.
Quant au charbon, il fournit actuellement environ le quart de
l'énergie consommée dans le monde et les réserves
mondiales de ce minerai, au rythme de la consommation actuelle,
ne seraient épuisées que dans deux cents ans. "Durant
les chocs pétroliers de 1973 et 1979, a expliqué
Jean-Thomas Bernard, l'Afrique du Sud, boycottée par les
pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient à cause
de sa politique d'apartheid, a produit le gros de son pétrole
à partir du charbon. Donc, on peut en produire à
grande échelle à partir de ce minerai." On
peut également obtenir du pétrole à partir
de la pierre, plus précisément des schistes argileux.
Le procédé est connu, comme le sont ceux relatifs
aux sables bitumineux et au charbon. "Ces procédés
ont des coûts élevés mais non exorbitants
par rapport au prix de 50 $ le baril de pétrole, soit
15 $ le baril pour les sables bitumineux et 35 $ le baril pour
le charbon, a précisé le conférencier. De
plus, il est possible d'obtenir des carburants du type éthanol
et méthanol à partir de ressources renouvelables
comme la canne à sucre, la paille et un arbre comme le
peuplier faux-tremble."
Une bonne partie de la hausse de la demande mondiale viendra
de puissances économiques en émergence comme la
Chine et l'Inde. "De 1994 à 2004, a indiqué
Jean-Thomas Bernard, le taux annuel moyen de croissance de la
consommation de pétrole brut dans le monde a été
de 1,7 %. Pour la même période, la Chine a affiché
un taux de 7,5 %, ce qui place ce pays dans une classe à
part. En seulement une année, soit de 2003 à 2004,
le taux de ce pays atteignait près de 16 %, ce qui est
énorme." Le pétrole fournit, à lui
seul, près de 40 % de toute l'énergie consommée
sur la planète. Aujourd'hui, plus de 60 % des réserves
connues de pétrole se trouvent au Moyen-Orient. "La
majeure partie de la demande anticipée devra donc être
satisfaite par cette région du monde, a souligné
Jean-Thomas Bernard. D'autant plus que ce pétrole ne coûte
pas cher à produire, entre deux et trois dollars le baril."
En dix ans, la production américaine de pétrole,
par rapport à la production mondiale, a chuté de
8,4 % à 7,2 %. Pendant ce temps, celle du Moyen-Orient
est passée de 20,1 % à 24,6 %. Au Canada, la production,
exception faite des sables bitumineux, a augmenté de 2,3
% à 3,1 %. "Le déclin des États-Unis
comme producteur de pétrole a commencé au début
des années 1970, a expliqué Jean-Thomas Bernard.
Il serait presque impensable d'assister à un retournement
significatif dans ce pays puisque cette région est considérée
comme très mature en termes d'exploration."
En 2003, le gouvernement de l'Alberta a perçu 7,7 milliards
de dollars en droits et redevances de la part de l'industrie
pétrolière. Cette année-là, près
de 18 000 puits ont été forés dans cette
province. Et 19,3 milliards ont été investis dans
l'exploration. Le Québec entrera-t-il à son tour
dans la danse? Les géoscientifiques croient que l'axe
du fleuve Saint-Laurent offre un potentiel très prometteur
en hydrocarbures. Les travaux d'exploration menés ces
années-ci par de petits consortiums ont permis de vérifier
le potentiel général de cinq bassins sédimentaires
susceptibles de contenir des hydrocarbures. Quatre d'entre eux
sont situés dans l'Est du Québec. Des relevés
sismiques ont montré la présence d'un grand volume
de gaz naturel dans les bassins de l'Estuaire et de Madeleine.
En 2005-2006, une entreprise de Rimouski prévoit forer
14 puits dans une nouvelle zone d'exploration située près
de Gaspé.

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