
Nouvelle arme contre la fièvre noire
Des travaux effectués au Centre de recherche
en infectiologie apportent une lueur d'espoir aux 350 millions
de personnes à risque sur la planète
Des chercheurs de la Faculté de médecine viennent
de mettre au point ce qui pourrait devenir le premier vaccin
efficace et sécuritaire contre la fièvre noire.
Les souris qui reçoivent ce vaccin parviennent à
freiner la prolifération du protozoaire responsable de
cette maladie, rapportent Marie Breton, Michel J. Tremblay, Marc
Ouellette et Barbara Papadopoulou du Centre de recherche en infectiologie,
dans une récente édition de la revue scientifique
Infection and Immunity.
Peu connue en Amérique du Nord, la fièvre noire
- aussi connue sous le nom de kala-azar - est causée par
des parasites appartenant au genre Leishmania. Ces protozoaires
font d'importants ravages sur les autres continents où
ils sont transmis par la piqûre de la mouche des sables.
Ils se trouvent surtout dans le bassin de la Méditerranée,
au Moyen-Orient, en Afrique de l'Est, en Amérique du Sud
et en Inde, où on estime que 350 millions de personnes
vivent dans des zones à risque d'infection.
Il existe environ 17 espèces du genre Leishmania réparties
dans 88 pays sur les cinq continents, mais Leishmania donovani
est l'espèce qui cause le plus de problèmes aux
populations humaines. Il y a trois ans, Barbara Papadopoulou
et ses collègues avaient réussi à créer,
par manipulations génétiques, une souche amoindrie
de ce parasite qui, lorsque employée comme vaccin, permettait
au système immunitaire de réagir face à
l'envahisseur. Le hic avec pareille approche est que les organismes
de santé publique ont beaucoup de réticence à
approuver l'utilisation de vaccins fabriqués à
partir d'une souche vivante et potentiellement pathogène,
par crainte qu'une mutation ne lui rende sa virulence.
C'est ce qui a donné l'idée à la professeure
Papadopoulou de mettre au point un vaccin vivant à partir
de Leishmania tarentolae, une espèce parente
de L. donovani, présente chez les lézards
et inoffensive pour les humains. "Nous avons découvert
que ce protozoaire suit la même route d'infection que L.
donovani dans le corps, précise-t-elle. Il réplique
fidèlement le processus d'infection et provoque la réaction
immunitaire attendue sans être pathogène."
Six semaines après la vaccination, les chercheurs ont
injecté le parasite pathogène dans le corps des
souris. Un mois plus tard, l'abondance du parasite infectieux
dans le foie et la rate était six fois plus faible chez
les souris vaccinées que chez les souris du groupe témoin.
"La protection aurait probablement été encore
plus grande si nous avions fait un rappel du vaccin", commente
la chercheuse.
La publication de cette découverte suscite de grands espoirs
dans la lutte contre la fièvre noire. D'ailleurs, à
l'invitation d'une compagnie pharmaceutique indienne, Barbara
Papadopoulou s'est envolée vers New Delhi cette semaine
pour présenter ses derniers travaux. Dans la plupart des
pays en voie de développement, on soigne encore les leishmanioses
comme dans les années 1930, par injections quotidiennes
d'antimoine, un élément chimique aux propriétés
voisines de l'arsenic. Le traitement dure un mois et coûte
plus de 200 $, ce qui le met hors de portée de la majorité
des malades. En plus, des souches de L. donovani résistantes
à l'antimoine se répandent rapidement. C'est pour
cette raison que Barbara Papadopoulou et ses collègues
croient que la solution réside davantage dans la mise
au point d'un vaccin destiné aux populations à
risques. Chaque année, l'Organisation mondiale de la santé
signale entre 1,5 et 2 millions de nouveaux cas de leishmaniose
et près de 80 000 décès. Douze millions
de personnes seraient présentement atteintes de cette
maladie.
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