«Nous mangeons la laine sur le dos de nos enfants» Selon l'économiste Pierre Fortin, le Québec court à sa perte s'il n'effectue pas un sérieux coup de barre économique et social Pour prévenir le massacre fiscal et les coupes radicales dans les services publics qui découleront du déclin démographique au Québec dans une vingtaine d'années, l'une des solutions est d'épargner plus. Si le citoyen ordinaire doit comprendre l'importance d'épargner, sous peine de crouler sous les dettes et de voir sa qualité de vie considérablement diminuer à la retraite, le gouvernement québécois, lui, doit procéder à un examen en règle de ses finances et tout mettre en oeuvre afin d'alléger sa dette publique. La survie du Québec en dépend.
C'est le message clair, net et précis qu'a livré l'économiste Pierre Fortin dans un amphithéâtre du pavillon Charles-De Koninck rempli à craquer, le 25 novembre, lors d'une conférence intitulée à bon escient: "Manger la laine sur le dos de nos enfants". L'un des 12 signataires du manifeste Pour un Québec lucide et professeur d'économie à l'UQAM, Pierre Fortin n'y est pas allé de main morte, témoignant de l'ampleur du désastre si un sérieux coup de barre n'est pas donné dans un très court délai. Pierre Fortin était l'invité du Centre Interuniversitaire sur le risque, les politiques économiques et l'emploi (CIRPÉE) et le Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (GREEN).
"En 2004, la population en âge de travailler était de 70 %, a révélé Pierre Fortin. En 2030, elle sera de 40 %. Tandis que la population décroît, les dépenses en santé ne cessent d'augmenter, un fait en partie attribuable au vieillissement de la population. Si rien n'est fait, le Québec se dirige tout droit vers un gouffre financier sans précédent, endetté jusqu'au cou, avec un manque à gagner de 3 à 4 milliards de dollars par année." Sans aller jusqu'à brandir le spectre d'une bombe atomique qui anéantirait complètement l'économie du Québec, Pierre Fortin a parlé des effets négatifs du déclin démographique qu'il compare à l'alcool, "qui tue lentement mais sûrement". "Il n'y aura pas de bombe atomique, a t-il insisté, mais on assistera à quelque chose de plus insidieux. Ce sera un perpétuel combat entre les divers groupes de la société pour s'approprier des ressources politiques et privées de plus en plus rares. Le stress économique et social sera continuel et intense et c'est généralement ce stress qui finit par désintégrer les nations." La poussée asiatique Avec l'entrée de plus d'un milliard de nouveaux travailleurs dans l'économie mondiale annuellement, la concurrence asiatique représente l'autre menace dont les effets se font déjà sentir au Québec, avec une baisse de 40 % du niveau d'emploi dans l'industrie québécoise de fabrication de vêtement, sans compter les avancées dans des emplois hautement spécialisés des services informatiques. Pour tenter de contrer la poussée asiatique, Pierre Fortin ne voit pas d'autre solution que de combattre le décrochage scolaire, de renforcer les compétences et de favoriser les secteurs professionnels et techniques. À un étudiant qui lui demandait quelle place il accordait à l'environnement, Pierre Fortin a répondu qu'on ne pouvait régler la guerre en Irak et s'occuper en même temps de la condition des femmes en Bolivie. Même si on renversait la vapeur demain matin en ce qui a trait aux gaz à effets de serre, les effets positifs ne se feraient sentir que dans 50 ans, croit l'économiste. En fait, la pire crainte qu'entretient Pierre Fortin au sujet du Québec de demain est celle d'un pays vidé de ses occupants partis vivre sous d'autres cieux parce que trop étranglés par les taxes et les impôts. Comme ce sont généralement les gens les plus scolarisés qui ont les moyens de partir et donc de s'en sortir, le Québec risque de perdre ses meilleurs éléments. Reste la solution de l'immigration. Mais qui voudra venir s'établir dans un pays qui se meurt?
"Le Québec a un gigantesque problème d'action collective, affirme Pierre Fortin. Il faut être lucide et solidaire, et surtout ne pas perdre de vue que le Québec doit continuer à se développer, économiquement et socialement pour que ses citoyens souhaitent continuer à y vivre." | |