
Mortel héritage Des chercheurs tentent de percer les secrets cellulaires du vieillissement "Mourir cela n'est rien, mourir la belle affaire, mais vieillir, ô vieillir". Le grand mystère et les grandes misères de l'usure des jours, que Jacques Brel évoquait dans la chanson Vieillir, ont inspiré un groupe de chercheurs à entreprendre un ambitieux programme visant à mieux comprendre pourquoi tout ce qui vit meurt à petit feu chaque jour. Ce consortium, formé de douze équipes universitaires de cinq pays européens et d'une équipe nord-américaine - celle de Robert Tanguay de la Faculté de médecine de l'Université Laval -, veut lever le voile sur les mécanismes cellulaires du vieillissement que partagent, comme un mortel héritage, tous les êtres vivants.
La Communauté européenne a accordé la somme de 10 M$ sur cinq ans à ce groupe dans l'espoir de voir ses travaux servir à atténuer les impacts individuels et sociaux des maladies associées au vieillissement de la population. "Les règlements de la Communauté européenne interdisent le transfert d'argent hors de la communauté, précise Robert Tanguay, mais nous obtenons tout de même des fonds pour les échanges étudiants et les déplacements vers l'Europe. Le point important est que l'expertise européenne nous est ouverte. Donc, pas de gros chiffres, mais de gros échanges."
Le projet, intitulé MiMage (Mitochondria in Conserved Mechanisms of Ageing), vise à élucider le rôle des mitochondries - les centrales énergétiques des cellules - dans le phénomène du vieillissement. "Certains mécanismes liés au vieillissement semblent communs à toutes les espèces. Il semble qu'ils soient apparus chez les organismes primitifs et qu'ils aient été conservés au cours de l'évolution", observe Robert Tanguay. Le consortium s'intéressera aux sentiers métaboliques qui conduisent au vieillissement et il étudiera comment les fonctions mitochondriales évoluent au fil de la vie chez les champignons, les nématodes, les drosophiles et les souris. L'expertise de Laval Si ce consortium, qui était exclusivement européen au départ, a élargi ses cadres pour accueillir une équipe nord-américaine, c'est essentiellement en raison des récents travaux de l'équipe de Robert Tanguay sur la longévité de la drosophile. Le professeur Tanguay et son groupe sont parvenus à accroître du tiers la longévité de drosophiles en les faisant synthétiser davantage de Hsp22, une petite molécule appartenant à la famille des protéines de choc thermique. Le plus beau de l'affaire est que les drosophiles n'ont pas passé ces 20 journées supplémentaires de vie alitées et souffreteuses, à attendre la grande faucheuse. Au contraire, la surexpression de la protéine a favorisé le maintien de l'activité locomotrice au-delà de ce qui est normalement attendu de la drosophile moyenne, tout en augmentant la résistance de ces insectes aux stress oxydatifs et aux stress thermiques. À l'inverse, la sous-expression de Hsp22 a conduit les drosophiles à une fin hâtive. "Hsp22 n'est qu'une protéine parmi beaucoup d'autres qui interviennent dans le processus de vieillissement", précise Robert Tanguay à l'intention de ceux qui seraient tentés d'y voir une molécule de jouvence.
Les protéines de choc thermique jouent un rôle dans le pliage des protéines et dans leur conformation spatiale. Des maladies neurodégénératives comme la chorée de Huntington, la maladie de Parkinson, la maladie de Lou Gehrig et plusieurs ataxies résulteraient d'un problème d'agrégation ou de pliage de protéines, signale le chercheur. C'est d'ailleurs ce qui a éveillé ses soupçons lorsqu'il s'est mis en quête de molécules susceptibles d'intervenir dans le vieillissement. "Nous avons étudié la protéine Hsp22, une petite protéine mitochondriale, parce que la mitochondrie est le principal site de génération des radicaux libres dans la cellule, et que ces derniers sont associés au vieillissement", souligne Robert Tanguay.
Le but du projet MiMage n'est pas de prolonger la vie humaine, précise le chercheur, mais plutôt de mieux comprendre les mécanismes qui se dérèglent avec le passage du temps. "Les travaux du consortium ne touchent pas aux maladies dégénératives comme telles, mais il est évident qu'ils pourront avoir des répercussions dans ce domaine", ajoute-t-il.

| |