De la Légion étrangère
au Département de management
Le Bureau canadien de l'éducation
internationale va souligner le cheminement singulier du professeur
Gérard Verna
Gérard Verna, professeur au Département de management
de la Faculté des sciences de l'administration, va recevoir
dans quelques jours le Prix de leadership en internationalisation
du Bureau canadien de l'éducation internationale (BCEI)
qui regroupe près de 200 institutions d'éducation
à travers le Canada. Recevoir un prix en internationalisation
est une consécration toute logique pour un professeur
qui a fondé le Carrefour Amérique latine et les
missions commerciales de l'Université Laval, tout en participant
récemment à la création du programme Managers
sans frontières. Cependant, cette vocation internationale
ne semblait pas aussi évidente lorsque Gérard Verna
a fait son entrée à l'âge de 45 ans à
la Faculté des sciences de l'administration en 1987. "J'ai
commencé par embarquer dans tous les projets qui me passaient
sous le nez jusqu'à ce que, le hasard et la chance aidant,
les choses commencent à prendre tournure et que je commence
à gérer un peu les choses au lieu de les subir,
explique cet infatigable globe-trotter. Vous savez, il m'est
arrivé une fois de donner une conférence devant
deux personnes!"
Il faut dire que Gérard Verna assume pleinement sa singularité
comme professeur. À une époque où les demandes
de subvention mobilisent beaucoup les chercheurs, ainsi que le
regroupement interdisciplinaire, il a toujours travaillé
seul, en ne dépendant d'aucun organisme de financement.
Finalement, comme les vrais élégants qui donnent
le ton à la mode sans céder à ses diktats,
ce lyonnais d'origine a réussi à faire reconnaître
sa pédagogie originale, très orientée vers
les questions pratiques. Successivement, il recevra le prix Carrière
remis par l'Université Laval, ainsi que le Prix d'excellence
en enseignement de la gestion octroyé par la firme Price
Waterhouse & Coopers au meilleur enseignant au Canada
dans cette discipline, sans oublier la distinction Socrate décernée
par ses étudiants en management.
L'école de la Légion
Le style Verna pourrait peut-être se définir
comme un mélange de probité, d'honnêteté
intellectuelle et de rigueur, un style largement poli par ses
expériences professionnelles très diverses. Après
une enfance passée sur les marchés, ce jeune français
a trouvé à s'embaucher dans la mythique Légion
étrangère où il est devenu meneur d'hommes.
Une profession pas si éloignée de celle d'enseignant
selon lui. "On est un peu comme des curés laïcs,
remarque-t-il. Cela fait partie de mon rôle d'accompagner
les jeunes et de tenter de régler leurs problèmes,
comme je le faisais dans l'armée française où
le chef s'occupe de tout." Après quelques années
de vie à la caserne, l'officier Verna quittera la grande
Muette en découvrant une fraude. Son intérêt
d'aujourd'hui pour l'éthique plonge peut-être ses
racines dans cet incident ainsi que dans ses expériences
de cadre supérieur d'une grande entreprise de travaux
publics en France et en Guinée, puis celles d'entrepreneur
en Afrique et au Moyen-Orient, puisqu'elles l'ont mis en contact
avec un système où la corruption et le vol régnaient
en maîtres.
Arrivé au Canada, "un pays pétri de bonnes
intentions" selon sa propre description, Gérard Verna
décide de se tourner vers l'enseignement. "Cela a
été et cela reste ma vraie rédemption, confie-t-il.
L'éthique y occupe une place prépondérante,
quel que soit le cours enseigné. Je m'attache scrupuleusement
à utiliser la moindre opportunité pour informer
mes étudiants des difficultés qui les attendent."
Dans ses cours, il faut s'attendre à tout, y compris apprendre
à vivre avec les autres. Ainsi, pour réussir un
de ses cours vedettes en gestion internationale, les étudiants
doivent effectuer une présentation de vingt minutes en
PowerPoint d'une question pigée au hasard parmi les quelques
150 sujets et lectures suggérés par le professeur,
qu'ils soient en français, en anglais, en espagnol ou
même en portugais ou en allemand. Seule solution, se diviser
préalablement le travail au sein du groupe, et le jour
venu bénéficier de l'expertise de ses camarades
lors de la phase préparatoire de la présentation.
"Je n'oblige personne, mais la plupart des étudiants
assistent aux trois jours d'examens qui se déroulent durant
une fin de semaine, explique l'enseignant. En procédant
ainsi, ils comprennent la force d'un bon réseau et de
la nécessité de coopérer."
Poussant sa théorie de l'apprentissage par l'exemple un
peu plus loin, Gérard Verna a eu l'idée de proposer
à ses étudiants des missions commerciales comme
le Québec ou le Canada en mènent régulièrement.
Chaque année, une quinzaine de volontaires se transforment
en agents de développement pour le compte d'entreprises
de la région, dans des pays généralement
peu explorés par les gens d'affaires d'ici. Les étudiants
ont ainsi eu déjà eu l'occasion de prospecter en
Pologne, en Allemagne, en Italie, en Argentine, au Chili pendant
trois semaines afin de décrocher des contrats ou réaliser
des études de marché, selon le mandat que l'entreprise
leur confie au départ. Mais attention. Pas question de
partir sans se préparer pour ne pas risquer "de prendre
un grand écrivain local pour un joueur de football",
comme le dit si bien l'enseignant. Avec lui décidément,
le monde semble tout d'un coup à portée de main.
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