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Pourquoi les femmes continuent-elles d'être
sous-représentées dans l'entraînement sportif
de haut niveau?
De la même manière qu'on les compte sur les doigts
de la main en politique, les femmes qui entraînent des
athlètes ou des équipes de sport demeurent peu
nombreuses. Éprouvant un sentiment d'incompétence
dans cette tâche, elles considèrent qu'elles ne
font pas assez preuve d'autorité auprès de leurs
élèves comparativement à leurs collègues
entraîneurs masculins qui, eux, auraient davantage de poigne.
C'est ce qui se dégage d'une étude réalisée
par Guylaine Demers, professeure au Département d'éducation
physique, étude dont elle a livré les résultats
lors d'une conférence donnée à la Chaire
d'étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes,
le 28 octobre. Ayant porté les couleurs du Rouge et Or
de l'Université Laval en basketball dans les années
1980, Guylaine Demers se souvient encore qu'avec les membres
de son équipe, elle était allée trouver
son entraîneure pour lui demander d'exercer plus de leadership.
"Nous n'avions eu jusque-là que des entraîneurs
masculins, explique Guylaine Demers. Pour nous, un leader c'était
quelqu'un d'autoritaire qui parlait haut et fort, bref, un homme."
Pour les fins de son étude réalisée de 2000
à 2002, Guylaine Demers a mené des entrevues auprès
de 18 athlètes féminines de haut niveau faisant
partie d'équipes universitaires et pouvant potentiellement
devenir entraîneures. En fait, 14 de ces 18 athlètes
avaient été entraîneures au secondaire et
au collégial. Elle a aussi interrogé 4 entraîneures
parmi lesquelles 2 cumulaient 18 et 11 années d'expérience.
Malgré cet important bagage de connaissances techniques
et professionnelles, les filles manquaient de confiance en elles,
particulièrement lorsqu'elles dirigeaient des équipes
mixtes, comme au badminton. "Par rapport aux gars, souligne
une des participantes de l'étude, il fallait toujours
que je montre que j'étais capable de jouer au badminton.
Pour eux, une fille n'était pas capable de faire le job.
J'allais jouer contre eux juste pour leur fermer la gueule."
Une question de personnalité
Curieusement, c'est davantage la personnalité de l'entraîneure
et non le fait qu'elle soit une femme qui va inciter les femmes
à choisir cette profession, de souligner Guylaine Demers.
"L'impact du modèle est présent, certes, mais
il est très subtil, révèle-t-elle. Au contact
de leur entraîneure, les athlètes ont dit avoir
appris une autre façon d'entraîner, plus humaine,
axée sur l'individu en tant que personne, où l'éducation
passe avant la performance." Selon Guylaine Demers, le manque
de compréhension du rôle de l'entraîneure
dans la société et les conditions financières
précaires qui vont de pair avec un tel emploi comptent
parmi les facteurs qui démotivent les femmes à
devenir entraîneures.
"Au niveau national et international, on hésite à
engager des femmes parce qu'on a peur qu'elles quittent pour
de bon si elles tombent enceintes, dit Guylaine Demers. Heureusement,
certains organismes sportifs commencent à mettre en place
des structures d'accompagnement où les femmes pourraient
bénéficier de l'aide d'une gardienne lorsqu'elles
doivent se rendre à des compétitions nationales
ou internationales."
Malgré une certaine croissance de la présence féminine
chez les entraîneurs d'athlètes de haute performance
au début des années 2000, il y a encore loin de
la coupe aux lèvres pour celles qui aspirent à
ces postes. Lors des Jeux olympiques de Sydney, en 2000, 4 entraîneurs
en chef sur 30 étaient des femmes (13 %), tandis que 6
des 86 entraîneurs réguliers étaient de la
gent féminine (18 %). Légère remontée
à Salt Lake City, en 2002, où les femmes comptaient
pour 21 % des entraîneurs en chef et 24 % des entraîneurs
réguliers. Les Jeux olympiques d'Athènes, en 2004,
verront le pourcentage de femmes descendre à 7 % chez
les entraîneurs en chef et à 10 % chez les entraîneurs
réguliers. "Il faut faciliter la création
d'un meilleur réseau d'entraîneures et de dirigeantes,
constate Guylaine Demers. On doit aussi augmenter le nombre d'entraîneures
impliquées ou travaillant dans les centres canadiens multisports
et les instituts de formation des entraîneurs."

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