
Dégel au Nord?
La recherche nordique connaît un
nouvel essor, mais la glace est encore bien mince
Cinq ans après la publication du rapport sur la crise
de la recherche nordique au Canada, la tempête s'est quelque
peu calmée pour les chercheurs qui osent s'aventurer dans
les régions septentrionales du pays. Toutefois, la glace
est encore bien mince, préviennent certains chercheurs
qui déplorent l'absence de véritable politique
nationale de recherche nordique et qui craignent que l'intérêt
actuel pour le Nord soit surtout inspiré par des considérations
économiques. Voilà sommairement ce qui ressort
d'une table ronde présentée le 26 octobre par le
Centre d'études nordiques (CEN), à l'occasion de
la visite à Québec des titulaires de Chaires de
recherche nordique du CRSNG.
Pour les titulaires de ces six chaires, créées
en 2002 en réponse à une recommandation du rapport
sur la crise de la recherche nordique, il ne fait aucun doute
que leur situation personnelle s'est améliorée.
"Pendant presque toute ma carrière, j'ai eu l'impression
d'être suspendu à un fil de soie dentaire au-dessus
d'un gouffre tant le financement de mes travaux était
précaire, a raconté John England, un des six heureux
titulaires. Je peux maintenant travailler avec plus de liberté
et moins d'insécurité."
L'injection de plus de 6 M$ sur cinq ans dans ces six chaires
a aussi facilité le recrutement d'étudiants et
de chercheurs dans leur équipe respective, ont unanimement
reconnu les titulaires. "Il serait toutefois naïf de
croire que la situation a radicalement changé, a ajouté
le professeur England. Rien n'est encore acquis. L'absence de
véritable politique nationale en recherche nordique entraîne
un problème d'orientation et de structure. Comme nation,
le Canada fait montre d'une obsession quasi coloniale pour les
diamants et le pétrole des régions nordiques."
À ce propos, les Territoires du Nord-Ouest sont la région
du pays qui jouit du plus haut taux de croissance économique,
a souligné Christopher Burn, de l'Université Carleton.
L'ouverture récente de trois mines de diamants et la construction
d'un gazoduc sont au coeur de ce boum économique. "Cette
intense activité économique a des répercussions
importantes à court terme sur les investissements en recherche",
constate-t-il. Toutefois, il ne faudrait pas que la recherche
motivée par le développement en vienne à
porter ombrage à la recherche fondamentale, ont mis en
garde les participants.
Serge Payette, titulaire de la Chaire en écologie des
forêts subarctiques, a reconnu que le programme des Chaires
nordiques du CRSNG avait été une bénédiction
pour son équipe, même si la crise avait frappé
moins durement le Québec. "Nous avions la chance
d'avoir des groupes bien structurés qui profitaient d'un
financement du gouvernement du Québec", a-t-il fait
valoir. L'Université Laval est encore bien positionnée
parmi les institutions canadiennes qui font de la recherche nordique.
Ses chercheurs sont regroupés au sein du Centre d'études
nordiques, de Québec Océans - maître d'oeuvre
des projets CASES et ArcticNet -, et du Centre interuniversitaire
d'études et de recherches autochtones (autrefois le GETIC).
Même si la création des chaires nordiques a apporté
un soutien financier appréciable, les problèmes
inhérents à la recherche nordique subsistent, a
souligné Serge Payette, en faisant référence
aux coûts élevés du transport aérien
vers les sites d'étude et de la logistique sur le terrain.
Le professeur du Département de biologie constate également
que le financement de la recherche fondamentale demeure problématique.
"La multiplication des programmes de subventions parallèles
risque de se faire au détriment des programmes qui encouragent
la recherche créative personnelle, craint-il. Déjà,
la situation est particulièrement difficile pour les nouveaux
chercheurs."

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