
Un choc culturel pour les Occidentaux
Aux 17e et 18e siècles, les Européens
ont découvert une Chine qui était, dans une certaine
mesure, supérieure aux sociétés européennes
"On a l'habitude de considérer que les habitants
des pays découverts par les Européens ont ressenti
un choc de cultures", explique Michel Cartier, chercheur
au Centre de recherches et de documentation sur la Chine contemporaine
à l'École des hautes études en sciences
sociales de Paris. "Mais dans le cas de la Chine, ajoute-t-il,
le choc a été ressenti beaucoup plus par les Européens
que par les Chinois. En effet, toutes les descriptions de la
Chine qui circulent en Europe à partir du 17e siècle
et jusqu'au 18e, en particulier l'information transmise par les
missionnaires jésuites, décrivent une Chine dans
une certaine mesure supérieure aux pays européens."
Conférencier invité au colloque du 21 octobre,
Michel Cartier a d'abord énuméré les forces
de la Chine aux 17e et 18e siècles. "Ce pays, a souligné
le conférencier, utilisait des techniques supérieures
pour la fabrication des tissus de soie et des objets de porcelaine.
Les terres cultivées étaient très productives.
Et sur le plan de l'organisation de l'État, la Chine paraissait
mieux administrée. D'ailleurs, l'essentiel de la classe
dirigeante ne se recrutait que sur la base du talent." Dans
ce pays, l'accès à la justice était plus
facile qu'en Europe. Et, chose impensable en Occident, les Chinois
pouvaient aller jusqu'à critiquer leur souverain. L'instruction
était valorisée. Quant à l'impôt,
il était très modéré et il existait
très peu d'impôts autres que ceux qui sont relatifs
à la terre.
Un empire parfait?
Une partie de l'exposé de Michel Cartier a porté
sur Le despotisme chinois, un essai écrit au 18e
siècle par le médecin et économiste français
François Quesnay. Celui-ci fut le promoteur d'une théorie
de l'économie selon laquelle les richesses proviennent,
pour l'essentiel, de l'agriculture. Il avait par ailleurs une
connaissance précise de la Chine. "Avec la Chine,
a expliqué le conférencier, Quesnay a découvert
une espèce de modèle pour l'Europe. Constatant
l'ancienneté de la culture chinoise et l'immensité
du territoire, il se demande comment un immense empire comme
celui de la Chine peut se maintenir pendant 4 000 ans s'il n'est
pas un empire parfait. La réponse se trouve notamment
dans l'organisation de la société politique. Dans
ce pays, la création de la richesse se faisait surtout
par l'agriculture. Le rôle du commerce était secondaire.
Mais bien que la Chine du temps était prospère,
on y trouvait des pauvres. Dans l'esprit de Quesnay, cela signifiait
que le pays était mal gouverné."
Des jésuites admiratifs
Shenwen Li, l'organisateur du colloque, a soutenu sa thèse
de doctorat à l'Université Laval en 1998. On peut
y lire qu'au 17e siècle, la Chine comptait environ 100
millions d'habitants. Les Chinois possédaient un système
de croyances basé sur une doctrine morale (confucianisme)
et deux doctrines religieuses (bouddhisme et taoïsme). Les
jésuites français étaient admiratifs devant
la civilisation chinoise. Une bonne partie de leurs cadeaux destinés
à l'élite chinoise était constituée
d'instruments scientifiques. Pour éviter l'étiquette
de "barbares étrangers" qui aurait fait d'eux
des objets de mépris, les jésuites français
ont appris le chinois et adopté les coutumes du pays.
La promotion d'une doctrine aussi différente que le christianisme
a soulevé doutes, malentendus, incompréhension
et résistance chez les Chinois. Néanmoins, au début
du 18e siècle, la Chine comptait quelque 300 000 convertis.
Plusieurs ordres religieux, provenant de différents pays
européens, formaient le contingent missionnaire en Chine.
Les jésuites français respectaient le culte des
ancêtres et le fait que les gens se prosternaient devant
la statue de Confucius au cours de certaines fêtes. Mais
pour d'autres ordres religieux, comme les dominicains et les
franciscains, il s'agissait de superstitions qu'il fallait éradiquer.
À la suite de leur insistance, le pape leur a donné
raison. Mécontent, l'empereur a interdit, en 1717, le
christianisme en Chine.

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