Qui perd gagne
Malgré un déficit commercial
croissant, le Canada fait des gains réels dans ses échanges
avec la Chine
Le Canada enregistre année après année
un déficit commercial croissant avec la Chine. L'an dernier,
ce déficit atteignait la bagatelle de 18,1 milliards de
dollars. Et ce n'est pas fini. Les projections du Conference
Board du Canada prévoient qu'il pourrait atteindre 55
milliards en 2025. Ces chiffres soulèvent des interrogations,
des inquiétudes, voire de la contestation. Plusieurs préconisent
le recours au boycott ou à des mesures protectionnistes
face aux produits faits en Chine. Zhan Su, professeur titulaire
de management international et de stratégie de l'entreprise
au Département de management, suggère, pour sa
part, de regarder au-delà des statistiques brutes. Selon
lui, le Canada fait des gains réels dans ses échanges
avec la Chine. En conséquence, et vu la particularité
de l'économie canadienne et les perspectives de forte
croissance de l'économie chinoise, il prône le renforcement
des liens économiques entre les deux pays. "Entre
1993 et 2003, explique-t-il, les échanges commerciaux
entre les deux pays ont presque quintuplé. Le Canada est
l'un des rares pays, en 2004, à avoir vu ses exportations
vers la Chine augmenter plus vite que ses importations, soit
de 38,8 %. Et en 2003, la Chine est devenue le deuxième
plus important partenaire commercial du Canada, mais très
loin derrière les États-Unis."
Le vendredi 21 octobre, au pavillon Palasis-Prince, Zhan Su a
participé à un colloque sur les relations interculturelles
et internationales entre la Chine et l'Occident. Selon lui, la
composition des importations chinoises vers le Canada a beaucoup
changé. "Le Canada importe de plus en plus de biens
chinois, mais pour quels usages?, a-t-il demandé. Depuis
environ deux ans, ce ne sont plus des biens de consommation comme
les jouets ou les vêtements qui sont les plus importés.
Ce sont plutôt des équipements et des technologies
qui viennent renforcer la compétitivité des entreprises
canadiennes." Selon le professeur, l'économie chinoise
serait devenue, au fil des ans, un des moteurs majeurs de la
croissance économique du Canada. Comment? Par une augmentation
annuelle moyenne de 12,5 % du volume des exportations canadiennes
vers la Chine.
Des impacts cachés
Une étude américaine récente révèle
que les consommateurs, aux États-Unis, économisent
chaque année quelque 100 milliards de dollars par le simple
fait d'acheter à bas prix des produits fabriqués
en Chine. Au Canada, les économies réalisées
avoisineraient les 10 milliards, ce qui correspondrait à
une augmentation de 5 à 10 % du niveau de vie. "Et
au moins dix millions d'emplois ont été créés
ces dernières années aux États-Unis autour
des échanges commerciaux avec la Chine", a indiqué
Zhan Su qui n'hésite pas à qualifier la Chine de
"col bleu du monde". "Les prix des produits chinois
sont inférieurs de 30 à 50 % de leur valeur réelle,
a-t-il ajouté. J'oserais même dire que le gouvernement
chinois est quasiment en train de "subventionner" les
pays étrangers. Environ 40 % des produits chinois exportés
ont un niveau très bas de valeur ajoutée. C'est
pourquoi la Chine doit exporter 800 millions de chemises pour
acheter un Airbus. Tandis que les entreprises chinoises sont
imposées à 33 % sur leurs bénéfices,
les entreprises étrangères installées en
Chine ne sont imposées qu'à 13 ou 14 % pendant
les cinq premières années suivant leur implantation."
Une usine mondiale
Véritable usine mondiale, ce pays de 1,3 milliard
d'habitants fabrique aujourd'hui, notamment, 90 % des DVD produits
dans le monde, 75 % des jouets, 70 % des tracteurs, 50 % des
appareils photos et 36 % des téléviseurs. La part
de la Chine dans le commerce mondial se situe actuellement à
6 %. En 2004, 30 % des produits chinois exportés étaient
en technologies de pointe. Selon une projection de la Banque
mondiale, la Chine sera la principale puissance économique
du monde en 2020, devant les États-Unis et le Japon. Cela
dit, tout n'est pas parfait chez le nouveau géant asiatique.
Sur le plan environnemental, par exemple, la Chine est durement
touchée par la pollution et les pluies acides. "Parmi
les 14 villes les plus polluées au monde, 9 sont chinoises,
a précisé Zhan Su. Presque 15 % du PIB chinois
doit être dépensé pour traiter les problèmes
de pollution."
En conclusion de son exposé, le conférencier a
soutenu que le Canada devrait être capable de profiter
davantage de l'émergence de la Chine au lieu de la considérer
comme une pure menace. "C'est une menace si on ne fait rien,
a-t-il dit. Il faut savoir se positionner devant cette nouvelle
donne. C'est encore possible de concurrencer et les industries
manufacturières ne sont pas toutes condamnées.
Si vous voulez rester dans un secteur d'activité où
les Chinois sont aussi forts, sinon plus forts que vous, vous
devez faire quelque chose que les autres ne peuvent pas faire,
comme développer une niche."
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