Histoires de bulles Beaucoup d'étudiants étrangers trouvent que la solitude est un fardeau parfois difficile à supporter "La solitude, ça n'existe pas", dit Gilbert Bécaud dans l'une de ses chansons. Pourtant, c'est une réalité vécue au jour le jour par beaucoup d'étudiants étrangers à l'Université qui se retrouvent du jour au lendemain dans un tout nouvel univers. Pour ces étudiants venus d'ailleurs, créer des liens avec leurs pairs québécois demeure une entreprise difficile. Philosophes, ils tâchent cependant de tirer profit de l'expérience, sachant qu'ils sortiront enrichis de ces quelques mois ou années passés au Québec.
Réunis dans une salle du pavillon Alphonse-Desjardins en ce pluvieux vendredi 14 octobre, ils étaient une bonne vingtaine d'étudiants et d'étudiants d'Afrique, d'Europe et d'Amérique latine à avoir répondu à l'invitation du Carrefour Interculturel Étudiant de Laval (CIEL). Thème proposé: la gestion du temps et des distances face à autrui. Comment agir dans une société dont les codes sociaux sont différents? Comment nouer des liens qui dépassent le classique "Salut, ça va? Bien, et toi?" Car c'est là où le bât blesse, selon les participants à cette rencontre. Une fois les présentations faites, les choses ne vont généralement pas plus loin, les Québécois étant pressés de retourner à leurs affaires. En fait, tout se passe comme s'ils décidaient de fermer la porte au nez du nouvel arrivant, après l'avoir entrouverte.
"Si on ne s'adapte pas, on ne peut pas survivre, a affirmé un étudiant du Rwanda. Par exemple, j'ai appris qu'on ne pouvait pas débarquer chez les gens sans prévenir. Tout va tellement vite en Amérique du Nord. C'est difficile de suivre le rythme mais on finit par s'y faire." Dans des sociétés axées sur la collectivité plutôt que sur l'individu, comme en Afrique, les gens ont tendance à s'épauler davantage et à prendre le temps de se parler. "Être psychologue en Afrique, c'est la faillite assurée", a lancé le même étudiant pour illustrer son propos. Bouillon de cultures Autre différence qui fait jaser: le toucher, dont les Québécois seraient plutôt avares. Si une tape amicale légèrement prolongée d'homme à homme dans le dos d'un ami fait partie des habitudes au Cameroun, le même geste risque fortement d'être mal perçu au Québec. En France, les étudiantes qui accueillent une nouvelle fille dans une équipe de travail se font spontanément la bise. Alors imaginez la surprise et le désarroi de cette étudiante française qui n'a eu droit qu'à de timides serrements de main lorsque présentée à ses camarades québécoises. Autre pays, autre moeurs, comprennent les participants, ce qui n'empêche pas qu'ils se sentent parfois très isolés. Enfin, la langue constitue la plus grande barrière à la communication, de souligner cet étudiant iranien qui ne parlait que l'anglais à son arrivée à l'Université. "J'ai demandé à mes collègues de parler en anglais et je me suis fait rabrouer", dit-il dans un français hésitant mais prometteur.
Malgré ces difficultés d'approche, les participants sont unanimes à dire que les relations avec leurs professeurs sont excellentes et même surprenantes, le rapport entre le maître et l'élève frôlant presque la camaraderie à l'Université. Même si certains n'arrivent pas à tutoyer le professeur comme certains le demandent, ils tentent de s'intégrer en respectant les règles en vigueur. Soucieux de ne pas offenser autrui, les étudiants avancent en fin de compte à pas feutrés dans cet univers qui n'est pas le leur, comptant sur leur flair pour ne pas enfreindre les usages, s'adaptant au fur et à mesure aux situations qui se présentent. Une étudiante du Mexique a bien saisi le jeu: quatre ans après son arrivée au Québec, elle parle français couramment, avec en prime, l'accent québécois. Faisant partie d'associations étudiantes, la jeune femme a quand même hâte de retourner dans son pays natal. Très franche, elle avoue avoir elle aussi été un peu fermée aux étudiants étrangers qui fréquentaient son école secondaire au Mexique. "C'est un phénomène normal", souligne t-elle.
"Les étudiants ont le goût de parler et ce genre de rencontre leur en donne l'occasion", constate Étienne LaBillois, responsable des rencontres du CIEL et coordonnateur d'opérations au Bureau d'accueil et d'intégration. "Fait intéressant, les gens sont restés longtemps après la rencontre, s'échangeant courriels et numéros de téléphones. C'est très encourageant." La prochaine rencontre du CIEL aura lieu le 18 novembre et portera sur la famille et le mariage.
Le Bureau d'accueil et d'animation loge au local 2344 du pavillon Alphonse-Dsjardins. Site Web: www.baee.ulaval.ca | |