
Place à la nation
Pour Bernard Landry, l'indépendance
du Québec est d'abord une question de volonté commune
Les détracteurs de l'indépendance du Québec
qui arguent que la province compte un trop petit nombre d'habitants
pour être un pays peuvent aller se rhabiller. En matière
de souveraineté, ce n'est pas le poids du nombre qui importe
mais bien la volonté commune de constituer une nation.
Outre cette volonté qui ne saurait tarder à se
manifester sous la forme d'un référendum gagnant,
le Québec possède tous les atouts pour faire une
nation: des projets, des rêves, des malheurs et des bonheurs
vécus en commun. De quoi faire un pays, un vrai de vrai
et pour de bon.
C'est le message qu'a lancé Bernard Landry, ex-premier
ministre et ex-chef du Parti québécois à
la centaine d'étudiantes et d'étudiants venus l'entendre
le 18 octobre, au pavillon Charles-De Koninck. Très en
verve dans cette conférence ayant pour thème "Nationalisme
et mondialisation", Bernard Landry a rappelé que
les exemples de pays ayant leur place à la table des nations
du monde et qui comptaient moins de dix millions d'habitants
comme le Québec pullulaient: l'Irlande, la Suède,
la Suisse, le Danemark, la Norvège, et d'autres encore.
Que dire du Luxembourg, qui n'atteint même pas le million
d'habitants? "Si le Québec n'est pas assez puissant
pour siéger aux Nations Unies, il y en a beaucoup qui
n'ont pas d'affaire là, a lancé Bernard Landry.
En fait, le concept de nation s'applique autant aux États-Unis
qu'au Luxembourg ou à la Chine."
Une autre histoire
"Paul Martin a dit que nous vivions à l'ère
des géants, a dit le conférencier. C'est son opinion.
Moi, je dis que les petits pays sont généralement
mieux gérés que les plus grands. Ne vous laissez
pas dire que l'indépendance du Québec est une attitude
de repli sur soi et de fermeture au monde. Au contraire, l'aventure
de l'indépendance démontre une grande ouverture
à construire un pays qui nous ressemble." Quant à
la mondialisation, elle n'est pas à rejeter totalement,
tout comme on ne peut pas l'accepter en bloc. Il faut donc en
prendre ce qui s'avère progressiste et intéressant
pour l'humanité, comme par exemple la libre-circulation
des biens, des capitaux, des services et des personnes.
"On ne peut pas être progressiste et crier au meurtre
à chaque fois que les Chinois nous vendent un T-Shirt,
a souligné Bernard Landry. La mondialisation propose une
politique d'ouverture permettant à tous les êtres
humains d'avoir un niveau de vie décent." Toutefois,
le même phénomène comporte aussi certains
dangers, comme l'uniformisation culturelle. Sera-t-on plus intelligent
le jour où toute la planète regardera CNN? s'interroge
Bernard Landry, pour qui il est vital que les cultures de tous
les pays soient préservées. Pour cette raison,
la mondialisation doit se faire sous l'égide d'organisations
internationales. "Ce n'est pas à un pays à
gérer la planète, les décisions doivent
être prises par des hommes et des femmes de tous les pays.
D'où l'importance que le Québec devienne un pays
et parle en son nom, en votre nom. Ainsi, les décisions
concernant votre vie ne seront pas prises par d'autres et vous
saurez vers qui aller pour vous plaindre."
À ceux et celles qui douteraient encore de la capacité
du Québec à se tailler une place dans le monde
comme pays, Bernard Landry répond qu'en tant que quinzième
économie mondiale, le Québec n'a rien à
envier à d'autres. "Quebecor est le plus puissant
imprimeur de la planète tandis que Bombardier est le troisième
avionneur au monde. On pourrait citer bien d'autres exemples
de réussites exceptionnelles d'entreprises québécoises."
Et de rappeler que dans les années 1960, des gens bien
intentionnés disaient que les Canadiens français
n'étaient pas faits pour les affaires mais qu'ils avaient
bien du talent pour cultiver la terre, devenir des curés
et exercer des professions libérales. "La question
de l'insécurité financière au lendemain
d'un référendum gagnant n'a pas de base réelle
car nous avons prouvé de quoi nous étions capables",
a expliqué Bernard Landry.
"Quand un pays naît, le Canada est toujours le premier
pays à l'appuyer, a conclu le conférencier avec
humour. Reste à savoir ce qu'il fera avec le Québec.
Il éprouvera peut-être des difficultés avec
nous mais ceci est une autre histoire."

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