Des virus sur le Web L'infectiologue Guy Boivin utilise la puissance de l'Internet pour lutter contre l'herpès génital Peut ne pas convenir à tous les âges. Langage explicite. Pour public averti. Ces formulations sont familières aux habitués des milliers de sites pornos qui ont pignon sur rue sur le boulevard Internet. En général, elles servent même d'enseignes pour appâter les visiteurs crédules en quête de sensations fortes. Ce qui détonne, toutefois, est de les voir apparaître dans un site Web aux côtés d'une photo de Guy Boivin.
Il ne faut pas conclure pour autant que le professeur de la Faculté de médecine et membre du Centre de recherche en infectiologie a choisi de réorienter ses activités. Au contraire, il veut plutôt tirer parti de la puissance d'Internet pour livrer son message de prévention de l'herpès sur le Web. "Les spécialistes discutent entre eux de la recrudescence de l'herpès génital. C'est bien, mais il nous semblait encore plus important d'informer la population au sujet de cette maladie qui est relativement méconnue", explique-t-il.
C'est ainsi qu'avec le concours de deux collègues canadiens, Barbara Romanowski et Francisco Diaz-Mitoma, Guy Boivin a mis sur pied le site Web www.herpessante.com. L'important volume de courriels acheminés aux trois spécialistes depuis l'ouverture de ce site les a convaincus de la nécessité de présenter périodiquement des émissions interactives sur le Web afin d'informer et de répondre directement aux questions du public.
Le 18 octobre à 20 h, Guy Boivin et sa collègue Romanowski sont donc montés sur les cyberplanches pour présenter une webémission interactive bilingue de 60 minutes, avec traduction simultanée, incluant une diffusion vidéo et diaporama synchronisés, suivie d'une période de questions posées par les internautes. "Cette activité nous permet de donner l'information la plus précise et la plus à jour en matière d'herpès génital, en plus d'informer les participants sur les façons de réduire le risque de transmission du virus à leur partenaire", précise le chercheur. Il est possible de revoir l'émission en différé en se rendant sur ce site Web. Le corps et l'âme Sauf à quelques rares exceptions, l'herpès génital ne tue pas et, mis à part les embêtements périodiques que cause le virus, il n'a pas de conséquences dramatiques sur la santé. Pourquoi alors mener pareille croisade contre ce virus? Pour deux raisons, répond Guy Boivin. La première, l'herpès génital est en hausse de 30 % depuis 15 ans. On estime que 26 % des femmes et 18 % des hommes en sont maintenant porteurs. Il y a une méconnaissance de cette maladie dans la population et dans la profession médicale, et il y a également un problème de déni. "Plusieurs personnes ne veulent tout simplement pas savoir qu'elles ont l'herpès génital", constate-t-il. La deuxième, la maladie a un impact psychologique important. "Les gens à qui on annonce qu'ils sont porteurs du virus de l'herpès génital vivent un sentiment de rejet et d'isolement qui conduit à une dépression légère dans 20 % des cas. La situation est particulièrement délicate lorsqu'un seul des deux membres du couple est infecté", souligne-t-il.
Aucun médicament ne peut éliminer le virus de l'herpès génital, rappelle Guy Boivin. Les produits pharmaceutiques disponibles permettent au mieux de réduire les symptômes et les récidives des poussées d'herpès. Les personnes porteuses doivent donc apprendre à composer avec cet indésirable microbe pour le reste de leurs jours. Les autres auraient tout intérêt à adopter des comportements pour s'en prémunir, poursuit-il. "Les risques de transmission augmentent avec la fréquence des relations sexuelles non protégées et avec le nombre de partenaires sexuels. Les étudiants universitaires et les jeunes en général sont donc des groupes à risque."
Mince lueur d'espoir à l'horizon, un vaccin contre l'herpès génital est présentement testé au Centre de recherche du CHUL. S'il s'avérait efficace, il permettrait de prévenir les nouveaux cas d'infection. Malheureusement, il ne pourra pas chasser le nuage noir qui plane au-dessus de la vie sexuelle des personnes déjà infectées. | |