
La CNN du Moyen-Orient
La chaîne d'information continue
Al-Jazira a fait souffler un vent de modernité sur le
monde arabe
"Avec la venue d'Al-Jazira, le monde arabe a cassé
ce complexe d'infériorité qu'il entretenait à
l'égard des sources d'information occidentales, souligne
Abderrahim Foukara, correspondant du réseau Al-Jazira
à l'ONU. Le chemin parcouru depuis par les médias
dans le monde arabe est vraiment énorme. De consommatrice
de nouvelles, la région s'est transformée en région
productrice de nouvelles." Abderrahim Foukara a participé,
le vendredi 14 octobre au pavillon Charles-De Koninck, à
un colloque sur Al-Jazira, la chaîne de télévision
d'information continue en langue arabe qui émet par satellite
à partir du Qatar. Cette activité était
présentée par l'Institut québécois
des hautes études internationales, en collaboration avec
le Département d'information et de communication.
Une information non censurée
Créée en 1996 par l'émir du Qatar, Al-Jazira,
une société privée, est aujourd'hui la première
chaîne d'information du monde arabo-musulman. Sa programmation
diversifiée, diffusée dans une trentaine de pays,
attire entre 40 et 50 millions de téléspectateurs
à toutes les 24 heures. Cette grande popularité
s'explique par une information de qualité non censurée
par les pouvoirs politiques. Cette avancée démocratique
s'accompagne d'une liberté de ton qui aborde les sujets
les plus tabous dans les sociétés arabes, des sociétés
caractérisées par leur immobilisme. Par exemple:
la persécution des dissidents politiques.
Surnommée "la CNN du monde arabe", Al-Jazira
a comme devise "L'opinion et son contraire". L'émission
phare de la chaîne est sans contredit "La direction
opposée", un débat hebdomadaire qui met aux
prises deux interlocuteurs aux positions contradictoires. "L'émission,
animée par Fayçal Al Kassim, est la plus controversée
et la plus regardée avec un auditoire de plus de 50 millions
de téléspectateurs, indique le journaliste Jean-Michel
Leprince, de la Société Radio-Canada, un des participants
à la table ronde du colloque. La devise de l'animateur
est: "Si on me donne un mètre de liberté,
j'en prends deux."" Au cours d'un reportage sur Al-Jazira,
en 2003, Jean-Michel Leprince s'était fait dire par la
coordonnatrice des nouvelles Dima Khatib que la chaîne
faisait l'objet de multiples critiques. "On se fait accuser
par tous les régimes arabes d'être des agents sionistes,
et par Israël et les États-Unis de soutenir Oussama
Ben Laden. On ferme nos bureaux extérieurs. Nos correspondants
sont expulsés, voire emprisonnés. Cinq ambassadeurs
arabes ont quitté le Qatar en guise de protestation. Tout
le monde nous critique. Alors on doit faire quelque chose de
juste."
Un témoin privilégié
Dès 1998, Al-Jazira acquiert une grande notoriété
dans le monde arabe en couvrant, depuis l'Irak, l'opération
militaire américano-britannique "Renard du désert".
En septembre 2000, la chaîne couvre la deuxième
Intifada palestinienne. Dans les débuts, elle donne la
parole aux Israéliens comme aux Palestiniens. Par la suite,
elle cède aux pressions de l'opinion publique arabe et
limite les interviews aux porte-parole palestiniens. Al-Jazira
est présente en Afghanistan depuis 1998. En 2001, elle
filme le dynamitage, par les talibans, des fameux bouddhas de
Bamiyan. Puis, elle couvre les bombardements américains
consécutifs aux attaques terroristes du 11 septembre aux
États-Unis. Al-Jazira diffuse les messages du réseau
terroriste Al-Qaida. Dans le conflit irakien, Al-Jazira choque
à l'occasion en montrant des enregistrements vidéo
d'otages capturés par des rebelles puis décapités.
Aujourd'hui, Al-Jazira a des concurrentes, notamment Al-Arabiya,
à Dubai, aux Émirats arabes unis. Preuve ultime
que la chaîne de télévision du Qatar a acquis
ses lettres de noblesse, et pas seulement dans le paysage audiovisuel
international: une enquête récente, aux dires de
Jean-Michel Leprince, la place au cinquième rang des marques
de commerce les plus respectées au monde, derrière
des sociétés comme Apple, Google, Ikea et Starbuck.

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