
Je me souviens Des chercheurs cernent le mode d'action d'une protéine qui intervient dans la mémoire et l'apprentissage Une équipe du Centre de recherche Université Laval-Robert-Giffard vient de percer le mode d'action d'une protéine qui joue un rôle important dans la plasticité des connexions entre les neurones. Publiée il y a quelques semaines dans la revue Journal of Neuroscience par Paul De Koninck, Éric LeBel, Hugo Roy, Attila Sik et trois chercheurs américains de Stanford et du Texas, cette découverte apporte une réponse élégante à une question qui turlupinait les neurones des chercheurs depuis plusieurs années.
"Le cerveau humain renferme quelque 100 milliards de neurones et chacun d'eux peut établir des milliers de connexions (synapses) avec les neurones voisins", rappelle Paul De Koninck, professeur au Département de biochimie et de microbiologie et responsable de l'étude. "La communication entre les neurones dépend de l'activité synaptique et celle-ci peut être activée ou réprimée de façon indépendante pour chaque synapse par l'intermédiaire de molécules qui circulent dans toute la cellule. On ne comprenait pas comment ces molécules pouvaient affecter une synapse en particulier et pas les centaines d'autres situées juste à côté. Une hypothèse voulait que chaque synapse ou chaque classe de synapses qui travaillent de concert ait une étiquette qui lui soit exclusive."
Par déduction, l'équipe de Paul De Koninck est parvenue à identifier une protéine possédant les caractéristiques requises pour assumer cette fonction d'étiquetage: la protéine kinase calcium-camoduline dépendante II (CaM kinase II). Pour déterminer si celle-ci jouait bien le rôle clé qu'on lui prêtait, les chercheurs lui ont accolé, par ingénierie génétique, une protéine fluorescente provenant de la méduse, ils l'ont introduite dans un neurone par transfert de gène et, grâce à l'imagerie de pointe faisant appel à la neurophotonique, ils ont observé ce qui se passait lorsque les synapses de ce neurone étaient stimulées. Les images qu'ils ont obtenues montrent que les protéines CaM kinase II migrent rapidement vers la synapse et s'y agglomèrent. "Il semble qu'elles se lient entre elles et forment un échafaudage sur lequel peuvent se fixer d'autres protéines synaptiques", signale le chercheur. Ce système complexe et réversible permettrait de moduler la transmission de l'influx nerveux entre les neurones par la construction d'étiquette spécifique à chaque synapse.
Fait à noter, des études antérieures ont révélé que la CaM kinase II joue un rôle dans l'apprentissage et la mémoire, souligne le professeur De Koninck. Ainsi, des souris transgéniques dépourvues de CaM kinase II manifestent des problèmes d'apprentissage et de mémoire. Par ailleurs, en bloquant l'action de cette enzyme, d'autres chercheurs sont parvenus à diminuer la force de la transmission synaptique. La présence persistante de la CaM kinase II dans une synapse pourrait donc favoriser la mémoire et l'apprentissage. À l'inverse, la disparition de cette étiquette pourrait expliquer le phénomène de l'oubli.
La publication de l'équipe du professeur De Koninck a été accueillie avec grand intérêt dans le domaine des neurosciences. Le "Faculty of 1000", un regroupement d'experts internationaux qui s'est donné pour mission de sélectionner les recherches scientifiques d'intérêt dans la masse de travaux publiés chaque semaine dans le monde, a non seulement inscrit l'article parmi les publications à lire, mais il lui a accordé l'évaluation "exceptionnel", soit la plus haute note possible.
"Cette découverte est importante parce qu'elle nous permet de comprendre comment la CaM kinase II peut moduler l'apprentissage, la mémoire et la plasticité synaptique, souligne Paul De Koninck. Pour mon équipe, c'est l'aboutissement des quatre années de travail que nous avons investies en neurophotonique."

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