
La SRC hors mandat? Selon Florian Sauvageau, la télévision publique se meurt dans le confort et l'indifférence "Je crois sincèrement que nous avons atteint le fond du baril." C'est la phrase que laisse tomber, avec un peu de lassitude dans la voix, Florian Sauvageau, quand on lui demande de parler de la nouvelle programmation de la télévision de Radio-Canada, entre 16 h et 19 h. Selon ce professeur au Département d'information et de communication, la course aux cotes d'écoute aura eu raison de l'information à la Société d'État qui n'a rien trouvé de mieux que de programmer un talk-show - Véro - en lieu et place du traditionnel bulletin de nouvelles de 18 h.
Comme bien des gens, Florian Sauvageau trouve complètement incongrue cette décision de Radio-Canada. Par conséquent, pour s'informer, il regarde maintenant les nouvelles de TVA à 18 h, animées par Pierre Jobin. "Je me suis rendu compte que c'était intéressant et bien fait, dit Florian Sauvageau. J'ai l'impression que plusieurs personnes vont faire la même chose et aller s'informer ailleurs. Si jamais la direction de Radio-Canada constate qu'elle s'est trompée et qu'elle décide de rectifier le tir en remettant son bulletin de nouvelles à 18 h l'automne prochain, ce sera alors peut-être difficile de reconquérir le public perdu ." Ce qui n'exclut pas le fait que l'expérience en cours pourrait marcher et que Véro fasse grimper les cotes d'écoute. Mais ceci est une autre histoire. "Je n'en ai pas contre l'émission elle-même, insiste Florian Sauvageau, je dis seulement que ce type d'émission, dont le but consiste à divertir, devrait occuper un autre créneau que celui réservé à l'information." Pub et star system De Tout le monde en parle à La fosse aux lionnes en passant par Tout le monde tout nu et En attendant Ben Laden où chacun donne son opinion sur tout et sur rien et où le niveau de langage frôle parfois l'abêtissement, la télévision publique a perdu bien des plumes, selon le professeur Sauvageau. Ainsi, il trouve déplorable qu'on réduise le budget d'émissions d'information comme Zone libre d'un côté et qu'on verse des salaires mirobolants à des animatrices et animateurs d'émission de variétés, de l'autre. "La publicité est au coeur du problème à la télévision, dit Florian Sauvageau. Pour accroître les revenus publicitaires, on est prêt à tout. Ce n'est plus de la culture qu'on diffuse mais de l'entertainment." Sans compter que la presse écrite commente allègrement les allées et venues de tout ce petit star system basé sur la "plogue", du genre "Je t'invite à mon émission et tu m'invites à la tienne". "La télévision publique est devenue le lieu d'un petit groupe qui se regarde le nombril", lance Florian Sauvageau.
Sans tomber dans le passéisme, il rappelle que Radio-Canada, dans les années 1960, a contribué à la consolidation de la langue française, à la Révolution tranquille, en somme, "à tirer la société québécoise vers le haut". Alors, pourquoi sommes-nous tombés si bas? "Les gens qui dirigeaient Radio-Canada avaient un projet culturel en tête, explique Florian Sauvageau. Ils accordaient beaucoup d'importance à l'information parce que l'information était importante pour eux. De plus, il y avait une âme à Radio-Canada, on sentait qu'il y a avait un travail d'équipe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui." 
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