
Des lendemains qui chauffent
Il faut se préparer dès maintenant
à faire face aux changements climatiques, estiment des
spécialistes en santé publique
Par les temps qui courent, les Québécois sont
davantage préoccupés par la montée du prix
de l'essence que par la hausse du mercure, mais les choses pourraient
changer si des canicules aussi mortelles que celle qui a frappé
la France, il y a deux ans, s'abattaient sur le pays. La vague
de chaleur d'août 2003, cause de 15 000 décès
dans l'Hexagone, a secoué les responsables de la santé
publique au Québec, estime Pierre Gosselin, professeur
à la Faculté de médecine et chercheur à
l'Institut national de santé publique du Québec.
"J'ai senti un changement d'attitude complet du ministère
de la Santé et des Services sociaux depuis cet événement",
souligne le chercheur qui compte parmi les rares épidémiologistes
québécois à s'intéresser à
l'effet des changements climatiques sur la santé publique.
Reste la population à convaincre de la nécessité
de changer dès maintenant ce qui peut l'être et
de se préparer pour le reste.
La tâche ne sera pas facile si l'on en juge par les résultats
préliminaires d'un sondage présentés par
Pierre Gosselin et ses collègues Bernard Doyon et Diane
Bélanger lors du Congrès international "Environnement
et Santé", qui avait lieu la semaine dernière
sur le campus à l'initiative de l'Association des épidémiologistes
de langue française. Leurs analyses portent à croire
que le Québécois moyen accueille la hausse du mercure
dans un état voisin de la béatitude. "Il est
compréhensible que les gens qui habitent un pays froid
comme le nôtre voient, dans un premier temps, certains
avantages au prolongement de la saison estivale et à la
hausse des températures", plaide le professeur Gosselin
à la décharge des répondants.
Un mur d'indifférence
Malgré toutes les informations qui circulent au sujet
des changements climatiques, 20 % des quelque 2 000 personnes
interrogées croient que les activités humaines
sont peu ou pas du tout responsables du phénomène.
De plus, près de 80 % des répondants estiment que,
au moment de l'enquête, leur santé n'était
pas menacée par le réchauffement global. "Il
semble assez clair qu'on ne peut pas compter sur la dimension
santé pour mobiliser la population contre les changements
climatiques", analyse froidement Pierre Gosselin.
Les répondants semblent beaucoup miser sur le froid pour
combattre le chaud. Ainsi, ils sont fortement en faveur de la
climatisation des hôpitaux et des résidences pour
personnes âgées, et ils accueilleraient favorablement
un programme de subvention destiné à climatiser
le domicile de personnes malades. Côté transport,
ils appuient fortement le transport en commun, mais ils se montrent
farouchement opposés aux mesures qui entraveraient l'achat
ou l'utilisation de l'automobile. Par ailleurs, les mesures restreignant
le chauffage au bois font long feu. "Bien au chaud, près
du foyer ou du poêle à bois, on ne semble plus se
préoccuper de ce qui se passe dehors", ne peut que
constater Pierre Gosselin.
La modélisation effectuée par son équipe,
à partir de données météorologiques
et de rapports sur les décès survenus à
Montréal entre 1981 et 2001, révèle qu'environ
600 personnes seraient mortes de causes reliées au réchauffement
climatique pendant cette période. Les chercheurs utiliseront
maintenant leur modèle pour établir, à l'aide
des projections météorologiques provenant du projet
Ouranos, l'impact des variations climatiques sur la morbidité
et la mortalité dans les différentes régions
du Québec pour la période 2010 - 2040. Pareilles
données réussiront peut-être à ébranler
le mur d'indifférence derrière lequel les Québécois
semblent s'être réfugiés pour échapper
aux changements climatiques.

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