Nanopince crocodile
Deux chimistes mettent au point un procédé
qui pourrait révolutionner l'électronique moléculaire
Tous les automobilistes qui ont eu des problèmes de
démarrage hivernal ont une connaissance pratique de la
pince crocodile, cet outil aux mâchoires dentelées
qui permet de brancher rapidement et solidement la batterie à
plat au survolteur. Mohamed Siaj et Peter McBreen, du Département
de chimie, viennent de réaliser un grand coup à
l'échelle nanométrique en mettant au point un procédé
qui permet de fabriquer l'équivalent d'une nanopince crocodile.
Leur procédé, qu'ils ont rendu public dans la revue
Science, permettrait de connecter des circuits nanométriques
en utilisant des molécules comme composantes de base.
Cette découverte pourrait ouvrir de nouveaux horizons
aux spécialistes de l'électronique moléculaire
aux prises avec un problème de taille: comment établir
des connexions solides et résistantes à l'échelle
moléculaire. Cette question est cruciale si l'industrie
de l'informatique veut maintenir la cadence dans l'évolution
de la vitesse des ordinateurs. Le nerf de la guerre pour y parvenir
a un petit nom qui en dit long: miniaturisation. Or, les limites
de réduction de la taille des microprocesseurs au silicium
approchent dangereusement. L'électronique moléculaire
pourrait être la solution à ce problème à
condition bien sûr de trouver des moyens de connecter les
composantes organique et métallique de pareils circuits.
Présentement, la principale filière à l'essai
mise sur des molécules possédant des terminaisons
thiol (formées d'un atome de soufre et d'un atome d'hydrogène).
Les thiols adhèrent bien aux surfaces d'or et ils sont
utilisés avec succès dans plusieurs laboratoires.
Toutefois, ils forment des liaisons simples avec des groupes
d'atomes d'or alors que les nanotechnologues souhaitent une liaison
plus solide et plus nette.
Leurs attentes ont été entendues puisque l'édition
du 22 juillet de Science présente deux nouveaux
procédés - l'un proposé par des chercheurs
de la Columbia University et l'autre par l'équipe de l'Université
Laval - qui permettent d'établir pareille connexion. La
méthode mise de l'avant par les chercheurs Siaj et McBreen,
du Centre de recherche sur les propriétés des interfaces
et la catalyse, permet de contrôler avec précision,
par chimie des surfaces, toutes les étapes de la création
d'une jonction électrode-polymère. Une solide liaison
double, résistante à la température, est
ainsi établie sur un site précis entre un métal
(carbure de molybdène) et une molécule semi-conductrice.
Bref, le procédé permet de produire une meilleure
nanopince crocodile.
La publication simultanée dans Science des procédés
développés par les équipes de la Columbia
University et de l'Université Laval reflète bien
la course dans laquelle sont engagés ces chercheurs. "Nous
sommes une petite équipe et nous n'avons pas les moyens
financiers des chercheurs de Columbia de sorte que pour nous,
cette publication dans Science est une grande source de
fierté", admet Mohamed Siaj.
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