Au-delà du réel
Le jeune peintre François Simard promène
ses regards circulaires à la Galerie des arts visuels
C'est en contemplant ses toiles pendant de longues heures
lors d'une précédente exposition qu'une idée
a germé dans l'esprit de François Simard. Le jeune
peintre a réalisé que cette ligne qu'il traçait
dans ses compositions pourtant très abstraites ressemblait
à une ligne d'horizon. Un paysage émergeait ainsi
peu à peu, sans référence à la réalité.
Il s'est donc lancé dans un tout nouveau projet pour sa
maîtrise en produisant des tableaux tout ronds, à
la manière d'un énorme oeil ouvert sur un lieu
imaginaire. Le titre de l'exposition, "Mais nous n'irons
jamais au lac à Poche", souligne d'ailleurs l'impossibilité
d'atteindre la scène paraissant sur la toile.
"Le paysage me sert de prétexte pour peindre,
raconte le finissant à la maîtrise en arts visuels.
En fait, je cherche à le déconstruire en plaçant
dans le tableau des objets très improbables." La
première composition de cette série illustre bien
ses intentions. Dans ce tableau rond séparé en
deux, la moitié gauche ressemble à un fragment
de paysage avec des éléments en avant-plan et un
horizon qui se poursuivraient au-delà de la toile. À
droite, par contre, une simple ligne géométrique
tourne en rond en se heurtant sans cesse au bord de la toile.
Aux yeux de l'artiste, cette apparente contradiction met en lumière
le statut particulier de la création en art, puisqu'il
s'agit de montrer que la réalité ne se limite pas
aux choses, qu'elle a souvent des dimensions insoupçonnées.
La lecture de textes philosophiques suggérés par
son directeur de maîtrise, Marcel Jean, a d'ailleurs nourri
sa réflexion à ce sujet, en particulier les auteurs
ayant traité de la phénoménologie et de
la question de l'apparition du sens dans l'oeuvre.
La tentation du cercle
Stimulé dans sa pratique artistique, le jeune peintre
a donc allègrement plongé dans l'ambiguïté.
Sous son pinceau, des montagnes sont apparues à l'horizon
d'un magnifique lac bleuté, ainsi que des nuages et une
ébauche d'arbre, toujours à l'intérieur
d'un cercle parfait. D'autre part, des lignes parfaitement droites,
des triangles et d'autres formes géométriques viennent
rappeler au spectateur que le paysage représenté
n'a pas d'existence réelle et qu'il s'agit bel et bien
d'une création. En peignant souvent très rapidement
ses compositions, François Simard s'amuse d'ailleurs à
laisser quelques traînées de peinture, ou même
à en ajouter par la suite, une autre façon pour
lui de brouiller les pistes entre imaginaire et réalité.
Sous son pinceau, une larme de couleur tombe d'un triangle pour
rencontrer le sommet d'une montagne qui prend alors des allures
de volcan.
Le choix du format rond vient également perturber les
habitudes de perception. "Les peintres de la Renaissance
italienne l'ont souvent utilisé pour diriger le regard
vers un point précis, le coeur de la Madone, tandis que
Claude Tousignant peignait des tableaux ronds comme des cibles,"
rappelle François Simard. Dans ses propres tableaux, le
jeune artiste se garde bien d'orienter le regard vers un endroit
précis. Il veut au contraire laisser la plus grande liberté
de lecture possible. C'est ainsi que le dernier tableau de cette
série s'est retrouvé la tête en bas, une
fois la dernière touche posée, avec ses nuages,
sa petite montagne, et son grand carré graphique. Une
façon pour le peintre de perdre le contrôle de qu'il
avait lui-même construit.
L'exposition "Mais nous n'irons jamais au lac à Poche"
se poursuit jusqu'au 11 septembre. La Galerie des arts visuels
loge dans l'édifice de la Fabrique, 255 boulevard Charest
Est. Elle est ouverte de 11 h 30 à 16 h 30.
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