Des oies soufflées au maïs
La population d'oie des neiges a pris son
envol définitif grâce au blé d'Inde
L'ascension rapide de la population d'oies des neiges en Amérique
du Nord depuis 40 ans tient en grande partie à un petit
mot de quatre lettres: maïs. C'est ce que soutient le professeur
du Département de biologie, Gilles Gauthier, dans un article
qu'il signe avec ses collègues Jean-François Giroux,
Austin Reed, Arnaud Béchets et Luc Bélanger dans
les pages de la revue scientifique Global Change Biology.
Rappelons qu'en 1965, l'oie des neiges comptait moins de 50 000
spécimens alors que sa population oscille maintenant autour
de 800 000 individus.
Le professeur Gauthier reconnaît que, jusque dans les années
1970, la création d'aires protégées a contribué
à relancer les effectifs de cette espèce. Il admet
aussi que les changements apportés aux règlements
de chasse ont influencé temporairement la dynamique de
population de cette espèce. Enfin, il concède que
le réchauffement climatique a entraîné une
réduction de la mortalité hivernale par la chasse.
En effet, il a suffi d'un réchauffement de 1 à
2,4 degrés Celsius pour que les oies délaissent
les aires traditionnelles d'hivernage de la Virginie et de la
Caroline du Nord. "Elles hivernent maintenant plus au nord,
au Delaware et au New Jersey, de sorte qu'elles sont confrontées
à une moins grande communauté de chasseurs",
explique le chercheur du Centre d'études nordiques.
Néanmoins, le plus important changement survenu au cours
des quatre dernières décennies a été
le passage d'une diète printanière et hivernale
reposant entièrement sur des plantes de marais à
une diète dominée par le maïs et les plantes
fourragères, affirme le professeur Gauthier. Pendant cette
période, les oies ont pris la clé des champs. Elles
ont délaissé leur traditionnelle pitance de scirpe
et de spartine à la faveur de grains de maïs tombés
au sol et de jeunes pousses de graminées bien fertilisées.
Ces nouvelles sources d'énergie permettent aux oies d'accumuler
plus de réserves nutritives avant d'entreprendre leur
migration vers leurs aires de nidification arctiques. Selon les
données recueillies par l'équipe de Gilles Gauthier,
les oies quittent le Sud du Québec plus grasses qu'auparavant,
ce qui a une incidence positive sur leur fécondité.
Les oies auraient découvert les plaisirs du maïs
lors des hivers très froids de 1976 et 1977. "Les
marais étaient couverts de glace pendant des semaines
ce qui les a forcées à trouver d'autres sources
de nourriture ", explique le chercheur. Au Québec,
l'invasion de la région du Lac-Saint-Pierre par les oies,
amorcée dans les années 1980, a suivi l'explosion
de la culture du maïs dans cette région. De 1966
à 2001, la superficie des terres consacrées à
cette plante a augmenté par un facteur 15 dans ce coin
de pays. "Désormais, il faudra tenir compte aussi
bien de l'habitat agricole que des habitats naturels dans la
gestion de l'oie des neiges, estime Gilles Gauthier. Au plan
alimentaire, c'est un milieu supérieur au milieu naturel
des oies et on ne pourra plus les sortir de là."
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