Douce colère
Les comportements modérément
agressifs procureraient moins de déplaisir que les réactions
passives ou très agressives dans des situations conflictuelles
Si les comportements agressifs et violents répugnent
à la plupart d'entre nous, il semble que, dans certaines
circonstances, adopter un comportement agressif modéré
puisse procurer un certain plaisir. C'est ce que soutiennent
les chercheurs Michel Cabanac et Marie-Claude Bonniot-Cabanac,
de la Faculté de médecine, et leur collègue
J. Martin Ramirez, de l'Université Complutense de Madrid,
dans un récent numéro du journal European Psychologist.
Les travaux antérieurs du professeur Cabanac l'ont amené
à postuler que les humains adoptent des comportements
qui tendent à optimiser leur plaisir. Cette recherche
de plaisir intervient-elle également dans l'adoption de
comportements agressifs envers d'autres personnes? Pour répondre
à cette délicate question, les trois chercheurs
ont invité 25 hommes et 25 femmes, âgés de
16 à 80 ans, recrutés au hasard sur le campus,
à remplir une série de questionnaires portant sur
les comportements agressifs. Les répondants devaient coter,
sur une échelle plaisir/déplaisir, cinq répliques
possibles à 17 scénarios qui décrivaient
une interaction avec un individu désagréable. Pour
chaque scénario, ils choisissaient parmi cinq répliques
possibles, allant d'une réaction passive à une
réaction très agressive. Dans un deuxième
temps, les répondants devaient décrire le comportement
qu'eux-mêmes adopteraient dans pareilles situations.
Premier constat, plutôt rassurant, les répliques
possibles aux divers scénarios sont jugées déplaisantes
par la majorité des répondants. Toutefois, les
scores de déplaisir les plus élevés sont
rattachés aux comportements passifs (ne rien faire face
au désagréable individu). Suivent dans l'ordre
les comportements très agressifs et les comportements
modérément agressifs. "Les répondants
associent plaisir et agression jusqu'à un certain point:
les réponses agressives d'intensité modérée
sont moins déplaisantes que les réponses passives
ou très agressives", constatent les chercheurs.
Les données montrent également une corrélation
entre le scénario désigné comme étant
le moins déplaisant par chaque répondant et la
réplique qu'il adopterait s'il était placé
dans cette situation. "La corrélation entre le score
de plaisir/déplaisir et l'adoption d'un comportement peut
sembler évidente, mais elle n'est ni évidente ni
inévitable", plaident les auteurs de l'étude.
À preuve, un seul des répondants présente
une concordance parfaite entre le comportement qu'il adopterait
et celui qu'il jugeait le plus plaisant, deux répondants
n'ont jamais choisi le comportement le plus plaisant et deux
autres ont toujours choisi le comportement qu'il jugeait le plus
désagréable. "L'acceptation sociale d'un comportement
et les contraintes morales des individus influencent leurs choix",
analysent les chercheurs.
L'instinct d'agression, modulé par la recherche du plaisir,
aurait, en partie du moins, un fond biologique, avancent-ils.
S'il ne fait pas de doute qu'une dose minimale d'agressivité
physique a pu aider nos ancêtres à survivre, "nous
sommes généralement conscients qu'il existe d'autres
façons - meilleures, plus sophistiquées et plus
agréables - de régler les conflits", soulignent-ils.
Généralement conscients, en effet.
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