La vie, mode d'emploi
Pour lutter contre le sida, il faut non seulement
distribuer des condoms mais aussi enseigner comment les utiliser
Pour aider les pays africains à lutter contre les maladies
transmises sexuellement (MTS) et contre le sida, il ne suffit
pas de mettre des condoms à la disposition des travailleuses
du sexe et de leurs clients; il faut aussi faire un minimum de
formation pour leur expliquer comment les utiliser de façon
adéquate. Michel Alary de l'Unité de recherche
en santé des populations, et ses collègues Léonard
Mukenge-Tshibaka, Nassirou Geraldo et Catherine Lowndes en font
la démonstration éloquente dans un récent
numéro de la revue scientifique International Journal
of STD and AIDS. Les quatre chercheurs y rapportent les résultats
d'une enquête, qu'ils ont réalisée au Bénin
auprès de travailleuses du sexe et de leurs clients, sur
la façon adéquate d'utiliser un condom.
Pour mener à bien cette étude, les chercheurs ont
interrogé 314 prostituées de Cotonou et 208 clients
potentiels qui fréquentaient des lieux de prostitution.
Tous les participants devaient installer, au meilleur de leurs
connaissances, un condom sur un modèle de pénis
en bois. Même si 98 % des prostituées et 82 % des
clients ont déclaré avoir déjà utilisé
un condom, les résultats laissent perplexes. Environ 90
% des personnes interrogées n'ont pas vérifié
la date d'expiration du condom, près de 30 % n'ont pas
déchiré la pochette du condom en utilisant l'encoche
prévue à cette fin, 83 % des femmes et 72 % des
hommes ont négligé de presser l'extrémité
du condom pour en chasser l'air avant de l'installer et 25 %
des hommes et 11 % des femmes ont déroulé le condom
du mauvais côté. Dans l'ensemble, à peine
11 % des personnes qui ont pris part à l'étude
ont exécuté correctement toutes les opérations
requises pour assurer un usage sécuritaire du condom.
Les bris de condoms ne sont pas rares parmi les participants:
une femme sur huit et un homme sur cinq ont rapporté avoir
déjà vécu cette situation. Les prostituées
qui ne sont jamais allées à l'école - soit
30 % des sujettes - et celles qui n'ont jamais eu recours aux
services d'une clinique de prévention des MTS rapportaient
davantage de ruptures de condom que leurs consoeurs. Déchirer
la pochette ailleurs qu'à l'encoche et ne pas chasser
l'air de l'extrémité du condom sont les deux principaux
facteurs associés à un taux élevé
de rupture de condom.
Les hauts taux de mauvaise utilisation et les ruptures fréquentes
de condom rapportés dans cette population à risques
remettent en question le recours au nombre de condoms distribués
ou utilisés pour évaluer les campagnes de prévention
contre les MTS et le sida, estiment les chercheurs. "Il
faut non seulement rendre les condoms disponibles, mais il faut
aussi démontrer, aussi souvent que possible, comment les
utiliser correctement." Les données qui ont servi
à l'étude ont été récoltées
sur le terrain en 2000. Depuis, précise Michel Alary,
les programmes ont été ajustés et les séances
de formation sont plus courantes, ce qui se traduit par un bien
meilleur taux de bonne utilisation du condom.
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