
Arts visuels
Couleur au carré
Il y a quelques jours, Louise Lemoine mettait la dernière
touche à son mémoire de maîtrise en arts
visuels orienté vers la création. Bien emballés,
la dizaine de tableaux, réalisés au cours des deux
dernières années et sur lesquels elle avait réfléchi
dans son essai, attendaient d'être installés dans
la Galerie des arts visuels. Soudain, l'étudiante a été
prise d'un désir impérieux. Il fallait qu'elle
retourne en atelier, qu'elle retrouve ses pinceaux et le plaisir
de la création. Une autre toile, composée de carrés
orange, bleus et jaune de Naples, a peu à peu surgi pour
s'ajouter à son exposition, "Variation variable".
"J'aimerais que les spectateurs aient une expérience
spatiale en regardant mes tableaux, raconte Louise Lemoine. L'accumulation
de petits carrés sur la toile finit par donner l'impression
que les couleurs bougent, qu'elles nous enveloppent : cela devient
un jeu visuel."
C'est un peu par hasard que cette artiste a découvert
le processus créatif qu'elle a expérimenté
durant ses deux années à la maîtrise. Installée
dans un petit coin de l'atelier qui accueille les étudiants
de deuxième cycle en arts visuels, elle n'avait pas de
place pour se déployer. Elle a donc divisé une
toile en seize parties, puis commencé à peindre
de petits carrés de couleurs sans croquis préalable.
Les carrés d'un pouce, d'un quart de pouce et d'autres
dimensions se sont multipliés pour finalement produire
des compositions sur des toiles de grandes dimensions. "Pour
moi, c'est comme un jeu d'équation, de soustraction et
d'addition car la couleur a une quantité, un poids, précise
l'étudiante. Cela exprime ma quête d'espace."
En cours de création, elle choisit donc de peindre des
carrés bleus, d'autres rouges ou verts à l'huile
ou à l'acrylique, en repassant plusieurs fois sur la même
surface. Chemin faisant, l'artiste a pu établir un lien
avec ses productions les plus anciennes, réalisées
au cours de son baccalauréat à l'Université
de Victoria en Colombie-Britannique, où la couleur tenait
aussi une place prépondérante. Elle a aussi réalisé
que d'autres artistes avant elle, comme Mondrian, Molinari ou
Joseph Albert, avaient puisé leur inspiration dans la
couleur à travers des formes géométriques.
De carré en carré, la force et la profondeur des
pigments l'ont frappée ainsi que le jeu chromatique. Son
intérêt grandissant pour les couleurs intenses se
reflète d'ailleurs dans les compositions exposées
qui évoluent de teintes plus pâles vers de francs
contrastes pour les dernières créations.
Peindre quelque 10 000 carrés par toile à l'aide
de minces pinceaux a constitué par ailleurs une véritable
expérience de vie pour l'artiste, car la tâche a
des allures de travail monastique. "C'est vrai, cela se
rapproche de la méditation, confirme Louise Lemoine. J'ai
le temps de penser, de rêver, de découvrir mes excentricités
en peignant. Le geste très répétitif permet
de ralentir et de prendre conscience de ce qui se passe en soi."
Une pratique qui peut se rapprocher de la méthode Feldenkrais,
l'autre passion de l'artiste, qu'elle va enseigner dès
septembre prochain. Il s'agit en effet d'explorer les mouvements
du quotidien pour mieux reprendre contact avec soi-même
et l'environnement. À ses yeux, les toiles exposées
deviennent également une façon de marquer le temps.
"Chaque carré peint joue un peu le rôle de
métronome, note l'artiste. La composition devient donc
une forme visuelle de mon expérience dans le temps."
L'exposition "Variation variable" se poursuit jusqu'au
3 septembre. La Galerie des arts visuels loge dans l'édifice
de la Fabrique, 255 boulevard Charest Est. Elle est ouverte du
dimanche au samedi, de 12 h à 17 h. Vernissage le dimanche
28 août à 14h.
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