
Sucre virtuel
L'aspartame produit le même effet que
le sucre chez les diabétiques qui s'adonnent à
une activité physique
Même si elle n'est pas un sucre, l'aspartame ne met
pas les personnes diabétiques qui pratiquent une activité
physique à l'abri des variations du taux de glucose sanguin
qui peuvent conduire à l'hypoglycémie. En fait,
ce produit imite tellement bien le sucre de table qu'il parvient
à berner non seulement les papilles gustatives, mais également
le système qui contrôle le taux de glucose sanguin
(glycémie). C'est ce que démontrent les travaux
que l'étudiante-chercheuse Annie Ferland a réalisés
avec Paul Poirier, Simone Lemieux, Jean Bergeron, Ginette Turbide,
Lison Fournier et Josée Bergeron. L'étude menée
par cette équipe sur l'aspartame a fait l'objet d'une
présentation le 13 mai lors de la Journée scientifique
du Centre de recherche de l'Hôpital Laval.
Les chercheurs savent depuis plusieurs années que,
chez les diabétiques de type 2, la pratique d'une activité
physique après un repas induit de plus fortes variations
de la glycémie qu'une séance d'exercices effectuée
à jeun. Dans les deux premières heures qui suivent
un repas, la glycémie des diabétiques s'élève
- surtout si les aliments consommés sont riches en sucres
- et elle redescend rapidement s'il y a activité physique.
"Plus la glycémie atteint un niveau élevé,
plus les risques subséquents d'hypoglycémie induit
par l'exercice augmentent", explique Annie Ferland.
Les aliments qui contiennent des succédanés du
sucre comme l'aspartame provoquent-ils eux aussi ces montagnes
russes glycémiques? Pour en avoir le coeur net, les chercheurs
ont invité dix sujets diabétiques à une
séance d'entraînement de 60 minutes sur ergocycle.
Cette séance se déroulait à jeun ou deux
heures après un repas sucré avec du sucrose (sucre
de table) ou de l'aspartame. Même si le contenu calorifique
du plat contenant de l'aspartame était 20 % plus faible
que celui sucré au sucrose, les deux repas ont provoqué
une hausse similaire de la glycémie, suivie par une baisse
rapide coïncidant avec le début de la séance
d'exercices. De leur côté, les sujets à jeun
n'ont pas subi de variations significatives de glycémie.
"Nous avons été surpris par nos propres résultats,
admet Annie Ferland. Comme l'aspartame n'est pas un sucre et
comme le plat contenant de l'aspartame avait un indice glycémique
moins élevé, nous ne pensions pas provoquer une
réaction similaire au sucrose chez nos sujets."
Le cerveau réagit à un repas contenant de l'aspartame
comme s'il s'agissait de sucre, constate l'étudiante-chercheuse
de la Faculté de pharmacie. Pourtant, l'aspartame est
une petite protéine constituée de deux acides aminés.
Il faut de 160 à 220 fois moins d'aspartame que de sucre
pour produire un goût sucré équivalent, de
sorte que la contribution de cet édulcorant aux calories
contenues dans les boissons et les aliments est à peu
près nulle. L'une des recommandations nutritionnelles
faites aux diabétiques consiste justement à remplacer
le sucre par un substitut comme l'aspartame; environ 65 % des
diabétiques respectent d'ailleurs cette consigne.
Quelles leçons faut-il tirer de cette étude?
"Nos résultats réaffirment l'efficacité
de la pratique régulière de l'activité physique
comme moyen de contrôle de la glycémie, constate
d'abord Annie Ferland. Ils démontrent aussi que la pratique
de l'activité physique à jeun ne pose pas de problème
pour le contrôle de la glycémie. Pour ce qui est
de l'exercice après un repas, les personnes diabétiques
doivent savoir que leur glycémie risque de baisser rapidement,
surtout si elle est élevée au départ, si
l'exercice est vigoureux et si le diabète est sévère.
L'important est d'anticiper ce qui peut se produire et de ne
pas croire que l'aspartame peut prémunir des variations
importantes de glycémie." Les chercheurs ignorent
pour l'instant si les autres succédanés du sucre
produisent le même effet que l'aspartame chez les sujets
diabétiques actifs.
|