Les limites de l'énergie "propre"
Selon le géologue Pierre-André
Bourque, le Québec n'a d'autre choix que de continuer
à recourir de façon importante au pétrole
et au gaz naturel
"Il est peu probable que l'on réussisse, dans
les 50 prochaines années au Québec, à remplacer
le pétrole et le gaz naturel comme sources d'énergie,
affirme Pierre-André Bourque, professeur associé
au Département de géologie et de génie géologique.
Par ailleurs, si l'on veut diminuer nos sources de CO2, on devrait
sérieusement penser à utiliser davantage le gaz
naturel. Les Européens le font avec d'excellents résultats.
Le gaz naturel rejette 40 % moins de CO2 dans l'atmosphère
que le pétrole. Il représente une solution acceptable,
efficace et compatible avec la notion de développement
durable."
Pierre-André Bourque a livré ce message le vendredi
22 avril au pavillon Alphonse-Desjardins, dans le cadre du 1er
Forum des sciences de la Terre et de l'environnement. Son exposé
s'intitulait "Géosciences et opinion publique: les
hydrocarbures au banc des accusés?". Il a remis les
pendules à l'heure en ce qui concerne une perception répandue
voulant que, grâce à la technologie moderne, on
puisse se débarrasser à relativement court terme
des hydrocarbures, lesquels sont perçus comme de dangereux
polluants contribuant à l'effet de serre. Selon lui, le
pétrole et le gaz naturel ne pourraient être remplacés
par des énergies dites "propres" ou "vertes".
"Il faudrait regarder ça d'un oeil différent,
a-t-il expliqué. D'abord, les hydrocarbures répondent
actuellement à 51 % de la demande en énergie au
Québec, contre 38 % pour l'électricité.
Et ce n'est pas l'énergie éolienne qui va résoudre
le problème. En 2004, ce type d'énergie répondait
à moins de un pour cent des besoins. En 2012, on prévoit
que ce sera moins de quatre pour cent de la demande énergétique.
Nous sommes donc coincés pour continuer à utiliser
les hydrocarbures."
Un potentiel très prometteur
Les géoscientifiques croient que l'axe du Saint-Laurent
offre un potentiel très prometteur en hydrocarbures. Dans
les années 1980, des recherches avaient conclu en l'inexistence
d'un tel potentiel. Mais de nouvelles technologies et la mise
au point de nouveaux concepts d'exploration ont permis de rétablir
les faits. Les travaux d'exploration menés ces années-ci
par de petits consortiums ont permis de vérifier le potentiel
général de cinq bassins sédimentaires susceptibles
de contenir des hydrocarbures. Quatre d'entre eux sont situés
dans l'Est du Québec. Le consortium qui regroupait notamment
l'INRS-ETE et la Commission géologique du Canada a pu
identifier la présence de gaz naturel dans le bassin de
l'Estuaire. "En 2003-2004, a rappelé Pierre-André
Bourque, les relevés sismiques ont montré la présence
d'un grand volume de gaz dans ce bassin. Des sites seraient prêts
à être forés. Même chose dans le bassin
de Madeleine où l'on estime que les réserves de
gaz pourraient alimenter le Québec pendant une vingtaine
d'années."
Selon Pierre-André Bourque, l'exploitation de champs pétrolifères
et gaziers au Québec contribuerait à augmenter
la richesse collective, tout en permettant de sécuriser
les approvisionnements. "Au Québec, a-t-il expliqué,
le pétrole représente les trois quarts des besoins
en hydrocarbures. Ces approvisionnements viennent du Royaume-Uni,
du Mexique, de l'Algérie et de la Norvège. Or,
les réserves de pétrole mondiales devraient plafonner
vers 2012 pour ensuite décroître. Quant à
nos approvisionnements en gaz naturel, ils proviennent de l'Alberta.
Mais d'ici 2010, on prévoit que cette province ne pourra
plus suffire à la demande." En 2003, le gouvernement
d'Alberta a perçu 7,7 milliards de dollars en droits et
redevances de la part de l'industrie pétrolière.
Cette année-là, près de 18 000 puits ont
été forés dans cette province. Et 19,3 milliards
ont été investis dans l'exploration. À Terre-Neuve
et en Nouvelle-Écosse, les activités d'exploration
ont entraîné à ce jour des investissements
de 22 milliards de dollars de la part des grandes sociétés
pétrolières.
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