Des perceptions à renverser
L'exploitation de gisements miniers est-elle
compatible avec le développement durable?
Pas facile de conjuguer développement durable et exploitation
des ressources minérales! En effet, sans doute en raison
de l'histoire récente du Québec, on associe spontanément
mines avec pollution, désolation et même fermetures
de villes entières. Mais, pour prouver que les choses
peuvent changer, des représentants du milieu géoscientifique
de la région de Québec, parmi lesquels figurent
le Département de géologie et de génie géologique,
le Département de géographie et le Centre d'études
nordiques, ont présenté, le 22 avril à l'occasion
du Jour de la Terre, le 1er Forum des sciences de la Terre et
de l'environnement.
Dans le cadre de cette journée, les organisateurs avaient
convié un groupe d'experts à une table ronde qui
avait pour thème "Ressources et environnement dans
le corridor du Saint-Laurent". Jacques Locat, du Département
de géologie et de génie géologique, a lancé
le débat en déclarant qu' "au Québec,
on est très frileux dès qu'il est question d'exploitation
des ressources naturelles". Depuis deux décennies,
explique-t-il, ce secteur est toujours au banc des accusés,
même s'il constitue une base importante de notre économie.
"Nous sommes restés avec les images d'entreprises
irresponsables d'il y a quelques décennies alors que ce
n'est plus le cas. Les entreprises minières sont même
tenues, dès le début de l'exploitation d'un gisement,
de mettre sur pied un fonds de restauration du site. Il va falloir
exploiter les ressources de façon très responsable
si on veut changer les images du passé."
Jean-François Doyon, de l'Association minière du
Québec, constate qu'il est très difficile de renverser
des perceptions lorsqu'elles sont bien ancrées dans la
population. "Les gens n'ont pas l'information requise pour
faire la part des choses, croit-il. Peu de personnes savent qu'il
y a moins de 40 mines en exploitation au Québec et que
la surface touchée par leurs activités couvre seulement
l'équivalent du tiers de la superficie de l'île
de Montréal."
Jean-Yves Lavoie, président de la compagnie québécoise
d'exploration pétrolière et gazière Junex,
estime lui aussi que les gens sont bien mal renseignés.
"La moitié de mon travail consiste à corriger
de fausses perceptions par rapport à nos ressources. La
première perception que je dois corriger est celle qui
veut qu'il n'y ait pas des ressources pétrolières
et gazières sur le territoire québécois.
Nous avons la culture de l'hydroélectricité, mais
considérant le fait que le Québec est loin de s'autosuffire
sur le plan énergétique, c'est clair qu'il faut
continuer à chercher d'autres ressources, la question
ne se pose même pas."
L'exploitation des ressources dans le corridor du Saint-Laurent
éveille invariablement le spectre de la pollution de notre
principale réserve d'eau potable. "Au Québec,
le problème n'est pas la quantité d'eau, mais sa
qualité", a fait valoir Frédéric Lasserre,
du Département de géographie. Depuis 20 ans, il
y a eu une nette amélioration du côté de
la pollution industrielle, juge ce spécialiste de l'eau.
Aujourd'hui, le fleuve souffre surtout de pollution diffuse d'origine
agricole. Même le spectre du réchauffement climatique
ne change pas la donne. "Le Québec n'est pas le Mid-West
américain, rappelle-t-il. On ne manquera pas d'eau, mais
les problèmes de qualité de l'eau risquent cependant
de s'accentuer." Ainsi, le front salin du fleuve, présentement
situé à la hauteur de l'Ile d'Orléans, pourrait
éventuellement dépasser Québec, ce qui rendrait
inutilisables les prises d'eau potable de Sainte-Foy.
Engagez-vous!
Même si la méconnaissance du public face aux
enjeux reliés aux sciences de la Terre fait l'unanimité,
les géoscientifiques tardent à combler ce vide.
"Par exemple, il y a peu de spécialistes des sciences
de la Terre qui se présentent devant le Bureau des audiences
publiques sur l'environnement, déplore Jacques Locat.
À un moment donné, il faut dépasser le seuil
de l'objectivité et il faut oser se commettre comme scientifique."
En cette Journée de la Terre, Martine Savard, de la Commission
géologique du Canada, a osé se commettre devant
cette assemblée qui comptait de nombreux participants
favorables à l'exploitation des hydrocarbures. "Chaque
année au Canada, 5 000 personnes meurent prématurément
en raison de la pollution de l'air causée par la combustion
des hydrocarbures fossiles, a-t-elle rappelé. Si on continue
d'utiliser les hydrocarbures comme on le fait maintenant et si
les Chinois nous imitent, on va souffrir. Je crois qu'il est
temps d'ouvrir la porte aux énergies alternatives."
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