Art sans frontière
Le programme d'accompagnement artistique "Vincent
et moi" est unique au Québec
par Pascale Guéricolas
"Une bulle de bonheur". Voilà comment Evi
Molley, étudiante en arts plastiques, qualifie l'atelier
du jeudi après-midi qu'elle partageait avec d'autres étudiantes
de l'École des arts visuels et des usagers du Centre hospitalier
Robert-Giffard. Le résultat tangible de ces rencontres
est exposé dans l'atrium de l'édifice de la Fabrique
jusqu'au 24 avril. Les peintures et les sculptures qu'on y découvre
témoignent des rencontres que tenait le groupe "Art
sans frontières" toutes les deux semaines dans un
local de l'École des arts visuels. Ce projet d'accompagnement
artistique unique au Québec a lieu depuis 2003 dans le
cadre du programme Vincent et moi, en partenariat avec l'École
des arts visuels et le Centre hospitalier Robert-Giffard. Il
permet à six personnes aux prises avec la maladie mentale
mais passionnées par les arts, de travailler sur des toiles
de grands formats et d'explorer de nouvelles techniques de peinture,
de gravure, de sculpture, sous la supervision bénévole
d'étudiants. "Au début de l'atelier, le groupe
se rencontre et chacun montre ses oeuvres pour que des duos puissent
se former, explique Caroline Landry, responsable du projet à
l'École des arts visuels. Le travail peut ensuite commencer."
Pendant plusieurs semaines, Évi Molley a donc peint aux
côtés de Benoît Genest-Rouiller et échangé
trucs et conseils techniques. Elle l'a écouté aussi
lui parler de sa pathologie et des sentiments qui l'avaient agité
durant la semaine précédant l'atelier. Bien que
dissemblables, leurs deux oeuvres racontent ce dialogue artistique
établi au fil des rencontres. "Benoît commentait
souvent ma toile en expliquant qu'elle lui faisait penser à
des chinoiseries, explique la jeune fille. Du coup, j'y ai intégré
des conseils de vie en caractères chinois qui disent qu'il
faut faire confiance à ses intuitions." Cette maxime
résume bien l'expérience de l'étudiante
au sein du groupe, car elle a appris à apprécier
l'émotion brute, les rapports "sans fla-fla"
qui caractérisaient ses conversations avec des personnes
bien différentes de la moyenne des gens. "J'ai connu
des gens extraordinaires grâce à cet atelier, affirme
de son côté Marie-Andrée Lévesque,
qui termine un baccalauréat en enseignement des arts plastiques.
C'est une expérience fabuleuse car cela permet de réaliser
que nous avons beaucoup de points en commun avec des personnes
qui nous semblent très dissemblables lorsqu'on ne les
connaît pas."
Peu à peu, la jeune femme a réussi à convaincre
Maryse Pelletier, avec laquelle elle était jumelée,
de délaisser un peu les peintures de fleurs pour se lancer
dans l'abstrait, sans limites ni contraintes. Cette dernière
a donc réalisé une toile où les couleurs
tendres dominent, qui côtoie maintenant celle de Marie-Andrée
Lévesque, marquée par des teintes en lien avec
le feu et la glace. Non loin de là, Rémy Bernard
Audet contemple avec fierté son hibou, sa première
expérience de sculpture d'argile. "J'avais dans la
tête l'image d'un petit animal avec des yeux très
ronds, dit-il en caressant les ailes du volatile. J'ai bien aimé
rencontrer les étudiants et commenter leurs travaux. J'aurais
aimé que les ateliers reviennent plus souvent." Raynald
Pageau a lui aussi apprécié son expérience.
Lassé du dessin avec des crayons de couleur, il a profité
de l'atelier pour explorer l'acrylique. Témoin de sa nouvelle
passion, le portrait d'une Marguerite d'Youville rajeunie qui
vient tout juste d'enrichir la collection Vincent et moi du Centre
hospitalier Robert-Giffard.
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