Un modèle à suivre
L'économie souterraine au Québec:
élevée mais stable, selon des chercheurs du CIRPÉE
par Renée Larochelle
Au Québec, en 2002, l'économie souterraine représentait
5,7% du produit intérieur brut (PIB), soit l'équivalent
de 4 000 $ de dépenses par ménage. Cela s'est traduit
par une perte fiscale d'environ 3,3 milliards de dollars. Telles
sont les principales conclusions d'une étude menée
par trois chercheurs du Centre de recherche sur le risque, les
politiques économiques et l'emploi (CIRPÉE), Bernard
Fortin, Guy Lacroix et Dominique Pinard. L'objectif de l'étude
était de mesurer la taille de l'économie souterraine
au Québec à l'aide d'une nouvelle approche méthodologique.
"Notre étude se fonde sur une approche différente
et innovatrice", explique Bernard Fortin, professeur au
Département d'économique ayant dirigé, avec
son collègue Guy Lacroix, le mémoire de maîtrise
de Dominique Pinard qui porte sur cette nouvelle méthode
et son application. "En fait, plusieurs modèles ont
été élaborés pour tenter d'estimer
la taille de l'économie souterraine qui, par définition,
est difficile à mesurer. Le modèle qui nous a semblé
le plus approprié pour le Québec se base sur le
comportement des consommateurs et sur la tendance des individus
à sous-déclarer les revenus provenant d'un emploi
autonome."
À partir de données des différentes enquêtes
sur les dépenses des ménages (EDM) de Statistique
Canada entre 1997 et 2002, les chercheurs ont ciblé la
part de dépenses accordée à la nourriture,
l'alcool, les vêtements, les soins personnels et au transport.
Ils ont relié ces parts de dépenses à diverses
variables explicatives, incluant le revenu disponible des ménages
tel que déclaré dans les enquêtes. En faisant
l'hypothèse que les revenus salariaux étaient entièrement
déclarés alors que les revenus découlant
d'un emploi autonome pouvaient être sous-déclarés,
les chercheurs ont pu inférer la proportion des revenus
autonomes cachés permettant d'expliquer au mieux la composition
des dépenses des ménages.
L'heure juste
"Par rapport à d'autres méthodes utilisées
pour mesurer l'économie souterraine, notre approche donne
des résultats tout à fait raisonnables et réalistes,
explique Bernard Fortin. En effet, d'autres études utilisant
des méthodes différentes ne donnent pas toujours
l'heure juste. Par exemple, des recherches canadiennes ont déjà
soutenu que l'économie souterraine aurait atteint 15 %
du PIB au Canada au milieu des années 1990, soit une dépense
annuelle de près de 11 000 $ par ménage. Ces résultats
nous paraissent nettement exagérés."
Selon les estimations obtenues à l'aide du modèle
élaboré par les chercheurs du CIRPÉE, l'économie
souterraine aurait fluctué quelque peu, de 1999 à
2002, après avoir connu une croissance significative de
1997 à 1999, et une année record en 2002. Malgré
ces changements, l'économie souterraine semblerait stagner
au Québec, depuis 1999.
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