Mauvais calcul
Selon Jean Bousquet, réduire le
financement des jeunes chercheurs pourrait faire diminuer rapidement
la compétitivité du Québec en recherche
et en formation avancée
par Jean Hamann
Les coupures imposées aux programmes provinciaux et
fédéraux destinés à donner un coup
de pouce aux jeunes professeurs-chercheurs pourraient sérieusement
hypothéquer leur avenir, a laissé entendre Jean
Bousquet, professeur au Département des sciences du bois
et de la forêt, lors d'un colloque sur le financement de
la recherche, présenté le 15 avril dans le cadre
de la Journée scientifique des étudiants-chercheurs
de la Faculté de foresterie et de géomatique. "Si
on cesse d'investir dans les jeunes chercheurs, on engendre un
retard dans leur développement qui va rapidement diminuer
notre compétitivité en recherche et en formation
avancée par rapport au reste du pays et de l'Amérique
du Nord", a même affirmé le conférencier.
Membre du Comité de réflexion sur le programme
"Établissement de nouveaux chercheurs" (ENC)
du Fond québécois de la recherche sur la nature
et les technologies (FQRNT), le professeur Bousquet reconnaît
que le début des années 2000 a été
une période intéressante pour les jeunes chercheurs.
Les programmes fédéraux, en particulier les Chaires
de recherche du Canada de niveau 2 et le Fonds de la relève
de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), et le programme
provincial stratégique de jeunes professeurs-chercheurs
du FQRNT avaient créé un contexte favorable à
l'émergence des nouveaux talents. "Malheureusement,
certains ont l'impression que les programmes pour jeunes chercheurs
pullulent et se dupliquent, ce qui est faux. Les opportunités
qui étaient offertes aux jeunes chercheurs disparaissent
soudainement les unes après les autres", déplore-t-il.
En effet, au fédéral, la FCI vient d'abolir son
programme Fonds de la relève, le programme des Chaires
de recherche du Canada se termine en 2005 et le taux de succès
au programme Découverte du CRSNG est en baisse en raison
de l'augmentation rapide du nombre de nouveaux demandeurs. Au
Québec, le FQRNT n'a pas reconduit son programme stratégique
de professeurs-chercheurs qui défrayait une partie du
salaire des jeunes professeurs et il s'interroge maintenant sur
la pertinence de maintenir son programme ENC. Ajoutez en toile
de fond un taux de succès anémique de 20 % au programme
de bourses post-doctorales du FQRNT et vous avez un portrait
peu emballant de la situation avec laquelle doit composer la
relève scientifique, ne peut que conclure Jean Bousquet.
Économie 101
Sabrer dans le programme ENC serait une erreur stratégique
qui aurait des effets très néfastes à moyen
terme, poursuit-il. Pour appuyer ses dires, le chercheur cite
deux enquêtes effectuées pour le compte du comité
de réflexion. La première montre que cinq ans après
leur demande au programme ENC, les chercheurs qui ont profité
de ce soutien voient leurs subventions tripler aussi bien au
FQRNT qu'au CRSNG, soit une progression deux fois plus rapide
que ceux qui n'ont pas obtenu ce financement. De plus, toujours
cinq années après leur demande ENC, les candidats
financés par ce programme récoltent deux fois plus
de subventions que les candidats refusés.
La seconde enquête révèle que les chercheurs
financés par le programme ENC publient deux fois plus
d'articles scientifiques que les candidats qui ont essuyé
un refus. "La subvention moyenne de 15 000 $ par an, pendant
un maximum de trois ans, provenant du programme ENC peut sembler
modeste, mais cette somme a une grande influence pour un professeur-chercheur
en début de carrière. Ça lui permet souvent
d'avoir un étudiant-chercheur de plus dans son équipe",
fait valoir Jean Bousquet.
À la lumière de ces données, le professeur
Bousquet plaide farouchement en faveur du maintien du programme
ENC. "Il est d'autant plus important de le maintenir que
les subventions au démarrage accordées par les
universités québécoises sont moins généreuses
que celles qui sont versées par les universités
hors Québec. Le programme ENC supplée, du moins
partiellement, au soutien plus modeste offert aux nouveaux chercheurs
par les universités québécoises."
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