Asthme: suivez le guide
Des spécialistes cherchent des façons
de convaincre le monde de la santé de mettre en application
les directives de traitement des maladies respiratoires
par Jean Hamann
En théorie, la presque totalité des gens qui
souffrent d'asthme pourraient mener une vie tout à fait
normale si leur maladie était traitée selon les
règles de l'art consignées dans le guide de pratique
clinique, un document rédigé par des spécialistes
du domaine. Dans les faits, la moitié des asthmatiques
ne contrôlent pas leur maladie et près de 90 % de
ces malades jugent que leur état de santé va en
se détériorant. L'asthme et la maladie pulmonaire
obstructive chronique (MPOC) touchent respectivement 10 % et
5 % de la population et elles gagnent du terrain depuis dix ans.
"Au Canada, la publication du premier guide de pratique
clinique pour ces deux maladies date de 1989", se souvient
Louis-Philippe Boulet, pneumologue et professeur à la
Faculté de médecine. "Depuis, il y a eu cinq
nouvelles versions, mais j'ai parfois l'impression que ces guides
ne sont lus que par les spécialistes qui les écrivent.
Un fossé se creuse entre ce que contiennent les guides
de pratique et ce que les médecins font en clinique",
déplore-t-il, en constatant le peu de progrès enregistré
dans le traitement de l'asthme et de la MPOC.
Pour le professeur Boulet et ses collègues spécialistes
des maladies respiratoires, le problème se résume
à une question à la fois simple et immensément
complexe: comment rejoindre des milliers de médecins de
famille et autres spécialistes de la santé à
travers le pays et les convaincre d'adopter les directives colligées
dans leur guide de traitement? C'est pour trouver des pistes
de solutions à ce problème qu'ils ont eu l'idée
de réunir des spécialistes de la question dans
le cadre du Symposium international sur le transfert des connaissances
et la mise en oeuvre des guides de pratique pour les maladies
respiratoires. L'événement, organisé par
le Bureau de formation continue de la Faculté de médecine,
la Société de thoracologie du Canada et le Réseau
canadien pour le traitement de l'asthme, a réuni une centaine
de participants du 14 au 16 avril à Québec.
"La dissémination passive d'un guide
de pratique ne donne rien, constate-t-il. Si vous voulez que
les choses changent, il faut miser sur la dissémination
active de l'information."
Cent fois sur le métier
"Il n'y a pas de recettes magiques pour convaincre des
médecins de changer leur façon de faire",
a tenu à préciser d'emblée l'un des conférenciers
invités, le professeur Ian Graham de l'Université
d'Ottawa. Par contre, pour que les lignes directrices soient
adoptées dans la pratique, il y a des incontournables
à respecter. "Il faut que ceux qui rédigent
ces guides soient crédibles, qu'ils forment un groupe
pluridisciplinaire et que leurs recommandations reposent sur
des données objectives et rigoureuses. Il faut aussi que
les règles qu'ils proposent soient simples, utiles, qu'elles
améliorent les choses et qu'elles soient compatibles avec
les valeurs et les façons de faire." Mais, ajoute-t-il,
même s'ils répondent à tous ces critères,
les guides de pratique peuvent rencontrer de l'opposition sur
le terrain. "Certaines personnes sont tout simplement réfractaires
au changement et il se peut aussi que des considérations
politiques ou des conflits de personnalités entrent en
jeu."
Pour Denis Drouin, professeur à la Faculté de médecine,
la clé de la réussite pour une pareille opération
repose sur la répétition du message sur différents
fronts. Depuis six ans, ce médecin est impliqué
dans le Groupe éducatif canadien sur l'hypertension. Le
public cible de leur guide de pratique, qui repose sur une revue
de littérature produite par 14 sous-comités pluridisciplinaires,
comprend non seulement des médecins, mais aussi des infirmières,
pharmaciens, nutritionnistes, kinésiologues, responsables
du réseau de la santé et même la population
canadienne.
Leurs recommandations sont publiées régulièrement
dans une trentaine de revues scientifiques et de revues d'associations
professionnelles, de même que dans un site Web (www.hypertension.ca).
"Pour intéresser les médias, nous créons
la nouvelle en faisant effectuer un sondage sur les connaissances
de l'hypertension dans la population canadienne dont nous diffusons
les résultats par communiqué de presse." Le
groupe distribue également dans le monde de la santé
une petite brochure ainsi qu'un aide-mémoire plastifié
qui résument leurs recommandations. De plus, il organise,
à travers le pays, des ateliers de formation qui passe
en revue l'approche thérapeutique globale adoptée
pour le traitement de l'hypertension. "La dissémination
passive d'un guide de pratique ne donne rien, constate-t-il.
Si vous voulez que les choses changent, il faut miser sur la
dissémination active de l'information."
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