Qui ne dort pas grossit?
Le manque de sommeil est associé
au surplus de poids
par Jean Hamann
Qui dort dîne, veut le proverbe. Et qui ne dort pas
grossit, pourraient ajouter des spécialistes de l'obésité
de l'Université Laval à la lumière d'une
récente étude liant le sommeil et l'embonpoint.
Après avoir mis en relation certaines caractéristiques
physiques et les habitudes de sommeil de plus de 700 personnes,
ces chercheurs arrivent à la conclusion qu'il existe une
durée optimale de repos - environ 8 heures par nuit -
qui facilite la régulation du poids. Les écarts
par rapport à cet optimum sont associés à
une prise de poids, plus marquée pour un manque de sommeil
que pour un excès.
Les chercheurs Jean-Philippe Chaput, Angelo Tremblay et Jean-Pierre
Després, du Département de médecine sociale
et préventive, et leur collègue Claude Bouchard,
du Pennington Biomedical Research Center, ont eu l'idée
de se pencher sur cette question en raison de la concordance
entre deux phénomènes qui sévissent depuis
quelques décennies: la progression de l'obésité
et le raccourcissement des nuits de sommeil. Entre 1960 et 2000,
alors que la prévalence de l'obésité doublait,
la nuit de sommeil moyenne perdait entre 1 et 2 heures. Pendant
la même période, la proportion de jeunes adultes
qui dorment moins de 7 heures par nuit est passée de 16
à 37 %. Cette carence en sommeil contribue-t-elle à
l'épidémie d'obésité qui s'abat sur
l'Amérique? Le manque de sommeil aurait-il une influence
hormonale sur le métabolisme et sur l'appétit?
Pour en avoir le coeur net, les chercheurs ont fait passer une
batterie de tests à 323 hommes et 417 femmes et ils ont
tenté d'établir des corrélations entre leurs
paramètres physiques et physiologiques et leurs habitudes
de sommeil. Cet exercice leur a permis de découvrir que
moins les sujets dorment et plus leur adiposité est élevée.
Ainsi, les hommes et les femmes qui dorment cinq heures par nuit
montrent des taux d'adiposité respectivement 40 % et 25
% plus élevés que les sujets de sexe correspondant
qui en dorment huit.
Par ailleurs, les chercheurs ont observé que les sujets
qui dorment moins présentent des taux de leptine plus
faibles. Cette hormone, secrétée par le tissu adipeux,
stimule la dépense énergétique et diminue
la faim. "La leptine semble impliquer dans une séquence
d'événements que nous ne comprenons pas encore
très bien. Ce que l'on sait par contre est qu'on a des
taux de leptine plus faibles lorsqu'on manque de sommeil",
résume Angelo Tremblay.
Par des voies encore obscures, le sommeil exercerait donc une
influence occulte sur la régulation du poids. Inciter
les personnes qui ont un surplus de poids à dormir davantage
peut-il les aider à perdre des kilos excédentaires?
Le professeur Tremblay émet des réserves. Selon
lui, on retrouve deux types de personnes qui souffrent de déficit
de sommeil: celles dont la charge de travail et les obligations
sont telles qu'elles rognent sur leurs heures de sommeil, et
celles qui sont tellement stressées qu'elles ne trouvent
pas le sommeil. "Ce serait assez difficile d'inciter les
gens à dormir plus, croit-il. J'ai l'impression qu'il
faudrait plutôt leur recommander de diminuer leur stress
de façon à mieux profiter de leur temps de sommeil."
Quant à savoir pourquoi dormir beaucoup semble aussi favoriser
la prise de poids, Angelo Tremblay subodore qu'il s'agit là
d'une autre problématique. "Peut-être s'agit-il
de sujets moins vigoureux qui ont besoin de dormir plus que la
moyenne pour retrouver leurs forces, propose-t-il. Le lien entre
le sommeil et la régulation du poids est une jeune problématique
de recherche, de sorte que beaucoup de questions sont encore
sans réponses. Mais il semble y avoir quelque chose de
prometteur de ce côté."
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