Le courrier
Lettre ouverte au ministre de l'Éducation
Monsieur le Ministre,
À titre d'étudiants en enseignement au collégial,
nous tenons à manifester notre appui au mouvement qui
soulève en ce moment nombre d'associations étudiantes
contre la réforme de l'Aide financière aux études.
Nous avons à cur les principes d'accessibilité
et d'égalité des chances qui sont à la base
de notre système d'éducation et nous croyons que
les coupures appliquées par votre gouvernement, tout comme
votre plus récente proposition, y contreviennent.
Nous nous opposons aux coupures de 103 millions appliquées
dans l'Aide financière aux études. Ces coupures
représentent une augmentation du taux d'endettement moyen
des étudiants de 60 % qui ne pourra qu'avoir des effets
négatifs sur l'ensemble de notre société.
Elles constituent une véritable barrière pour ceux
qui envisagent des études, comme pour ceux qui en sortent
et qui voudraient créer une entreprise ou fonder une famille.
Nous nous opposons aussi à la hausse des frais de scolarité
ou à toute autre proposition qui irait au détriment
de l'accessibilité aux études. Dans le même
esprit, nous sommes contre la décentralisation des cégeps
qui constitue une véritable atteinte aux principes d'égalité
des chances et d'accessibilité aux études supérieures
en région.
En dépit de ce que vous clamez auprès des médias,
ce n'est pas dans la perspective de préserver l'égalité
des chances que vous avez conçu la proposition du 15 mars
2005. Cette proposition nous paraît discriminatoire en
ce qu'elle laisse de côté une majorité d'étudiants
tels que ceux du secondaire professionnel ou ceux des deuxième
et troisième cycles universitaires. L'idée d'une
transformation partielle de prêts en bourse conditionnelle
à la réussite en temps réglementaire nous
paraît tout aussi inéquitable puisque nous savons
que les étudiants les plus démunis doivent souvent
concilier le travail, les études et souvent la famille,
ce qui réduit leur chance de répondre à
ces conditions. Nous remarquons d'ailleurs que cette politique,
que vous appelez pourtant une " motivation à la diplômation
", va à l'encontre d'une saine pédagogie car
elle instaure un climat de pressurisation qui pourrait accentuer
des phénomènes tels que le décrochage et
l'abandon des études avant l'obtention du diplôme.
Enfin, nous croyons que votre gouvernement devrait adopter une
tout autre perspective par rapport à l'Éducation.
L'éducation n'est pas une dépense qu'il faudrait
" couper " autant que possible, mais bien un investissement
garant du développement de notre société!
Aussi, si nous vous écrivons aujourd'hui, ce n'est donc
pas tellement parce que nous sommes attachés à
l'ancien règlement de l'Aide financière, mais parce
que nous sommes préoccupés par le Québec
de demain.
LES ÉTUDIANTS DU DIPLÔME EN
ENSEIGNEMENT AU COLLÉGIAL DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
L'Université, une enceinte sacrée
L'Université est un lieu sacré ou doivent régner,
à un très haut degré, la tolérance
et la liberté. Les forces de l'ordre qui pénètrent
dans cette enceinte devraient faire preuve du même respect,
de la même retenue, que si elles pénétraient
dans une église ou dans un autre lieu de même nature.
Cela n'a pas été le cas des deux interventions
policières dont j'ai été témoin au
pavillon De Koninck de l'Université Laval, les 24 février
et 14 mars derniers. Dans les deux cas, il s'agissait d'interventions
musclées qui ne me semblaient absolument pas justifiées
par la teneur des manifestations étudiantes qui se déroulaient
dans le pavillon. Ces interventions m'ont indignée et
glacée d'effroi.
On ne "descend" pas dans une université comme
dans un bar!
J'étais à l'UQÀM cette semaine, où
les étudiants sont beaucoup plus mobilisés qu'ici.
Pourtant, les rapports entre gardiens de sécurité
et étudiants y étaient tout à fait détendus.
J'ai senti une tolérance et un respect mutuel entre manifestants
et forces de l'ordre, que j'envie à mes concitoyens montréalais.
Je crois qu'ils ont compris que les gens se montrent généralement
dignes de la confiance et du respect qu'on leur témoigne.
MICHELLE CUMYN
Professeure, Faculté de droit
Trop de présence policière sur le campus
Depuis la fin février, les visites de policiers ou
la présence d'agents de sécurité se font
de plus en plus régulières et insistantes sur le
campus de l'Université Laval. C'est une situation qui
nous semble inadmissible et qui ne peut qu'envenimer les choses
au lieu de les calmer.
Le 24 février, le collectif de minuit entreprenait de
faire une distribution gratuite de nourriture devant le comptoir
de Sodexho au pavillon De Koninck. Cette distribution s'est accompagnée
d'une présence importante et musclée de la police
de Québec qui a procédé à certaines
arrestations alors que la distribution de nourriture s'était
déroulée de façon pacifique. Au retour de
la semaine de lecture, nous avons pu remarquer la présence
d'agents de sécurité de l'Université pour
surveiller le comptoir de Sodexho. Est-ce normal que les ressources
limitées de l'Université soient affectées
à protéger la filiale d'une multinationale dont
la situation financière est plus florissante que celle
de l'Université? Nous ne pouvons que soutenir notre recteur
lorsqu'il demande un meilleur financement de l'enseignement universitaire.
Cependant, nous pouvons douter du jugement de l'administration
de l'Université dans l'affectation de ce financement,
lorsque nous apprenons de la part des agents de sécurité
ou de la police de Québec que c'est à la demande
de l'administration de l'Université qu'ils sont devant
le comptoir de Sodexho. Et comme les distributions de nourriture
ont lieu tous les jeudis, c'est chaque semaine la même
saga.
Le 7 mars, alors que l'association étudiante de science
politique avait voté de se joindre au mouvement de grève
contre les coupures dans le système des prêts et
bourses, nous avons encore pu voir un dispositif policier important
à l'entrée des amphithéâtres du sous-sol
du De Koninck. Tout cela parce que des étudiants faisaient
une ligne de piquetage pacifique pour empêcher la tenue
d'un cours.
La manie de l'université d'appeler la police de Québec
à tout bout de champ est problématique, de même
que la mobilisation intensive du Service de sécurité
de l'Université. Certes, les étudiants de plusieurs
départements sont en grève. Dans de telles circonstances,
la tenue de lignes de piquetage pacifiques devant les salles
de cours ou les manifestations internes dans les couloirs des
pavillons et sur le campus sont des façons tout à
fait légitimes de populariser leurs revendications, que
le recteur lui-même prétend partager. La présence
policière et sécuritaire est non seulement une
entrave à la liberté d'expression politique des
étudiants mais aussi un manquement grave à la mission
de l'université qui est d'être un lieu de débat
et de confrontation des idées.
Nous demandons donc à l'administration de l'Université
de cesser de recourir à la présence policière
contre les actions politiques sur le campus.
DIANE LAMOUREUX
Professeure titulaire, Département de science politique
Cette lettre a reçu l'appui de Georges Azzaria, Laurence
Bhérer, Marie-Andrée Couillard, Marc-André
Deniger, Julie Desrosiers, André Drainville, Gilles Gagné,
Jean-Jacques Gislain, Marie-France Labrecque, Paul-André
Lapointe et Sylvie Morel, professeurs et professeures à
l'Université Laval
La vérité sur le nouveau diplôme en
enseignement collégial
À l'automne 2004, la Faculté des sciences de
l'éducation de l'Université Laval a transformé
son certificat de pédagogie collégiale en un diplôme
de deuxième cycle. Sur le portail de la Faculté,
on peut lire que le nouveau programme est unique au Québec,
tant il conjugue avec bonheur une composante théorique
axée sur les toutes dernières découvertes
en matière de didactique et de psychologie avec une composante
tournée vers la pratique. Dans le but d'éclairer
ceux qui se demandent s'ils feraient bien de s'inscrire à
ce programme, j'aimerais ajouter ma voix au concert des éloges
et célébrer à mon tour le caractère
unique du nouveau diplôme.
Un diplôme unique par son dogmatisme. Si les Perrenoud,
Tardif et Scallon ne figurent pas sur la liste de vos auteurs
favoris, si l'" approche par compétences " ne
vous dit absolument rien, munissez-vous d'une bouteille de Pepto
Bismol, car vous risquez l'indigestion. Il ne suffira pas qu'on
vous rabâche les oreilles avec ces noms et cette approche
à l'intérieur de quelques cours. La théologie
de l'éducation qu'on professe à la Faculté
interdit de sortir des cadres du paradigme régnant. Qu'on
ne s'imagine pas que les mises en garde faites par les rares
individus qui ne sont pas encore tout à fait aveuglés
par la foi dans les compétences vont y changer quelque
chose: il faut croire, croire et toujours croire, même
si la réalité fait souvent ressortir les défauts
de l'approche retenue.
Un diplôme unique par son autoritarisme. Si la démocratisation
et la transparence furent les maîtres mots du Rapport Parent,
il faut juger que la Faculté des sciences de l'éducation
a laissé passer le bateau. En effet, l'association qui
est censée représenter les étudiants du
diplôme en enseignement collégial n'a aucune voix
au chapitre de l'élaboration des programmes. Cela irait
encore si les professeurs - pour la plupart chargés de
cours - étaient soumis de façon systématique
à une évaluation formelle, comme cela est de mise
dans les autres facultés et départements de notre
université. Vous aimez jouer à la roulette russe
? Excellent, car en termes de chargés de cours, le meilleur
côtoie ici le pire.
Un diplôme unique par ses contradictions. Les concepteurs
de ce qui était autrefois un certificat de premier cycle
aiment les paradoxes. Ils ont concocté un programme de
formation initiale des maîtres en l'élevant par
la magie de la sémantique au rang des diplômes de
deuxième cycle. Préparez-vous à vivre douloureusement
cette contradiction. En tant qu'étudiants de second cycle,
vous aurez à réfléchir sur votre pratique
sans qu'on vous en donne le temps ni les moyens. Ainsi, pour
ne prendre qu'un exemple, on vous demandera de produire une réflexion
critique sur l'intégration des technologies au collégial
sans que vous ayez pu toucher une seule fois à ces technologies.
Le nouveau diplôme en enseignement collégial associe
donc trois caractéristiques majeures: dogmatisme, autoritarisme
et contradictions internes. Resterait à savoir si les
autres programmes de la Faculté ne comportent pas les
mêmes caractéristiques, dans un ordre différent
ou selon des combinaisons différentes.
MATHIEU LAVOIE
Étudiant à la Faculté des sciences de l'éducation
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