Cinq solitudes à table Une étudiante-chercheure dresse le portrait des habitudes alimentaires dans les grandes régions du pays par Jean Hamann Si les provinces canadiennes recevaient un bulletin pour la qualité des choix alimentaires de leurs citoyens, le Québec et la Colombie britannique seraient premiers de classe, suivis, dans l'ordre, par l'Ontario, les Prairies et les provinces de l'Atlantique. C'est ce qui se dégage de la vaste analyse des variations géographiques dans l'alimentation des Canadiens qu'a effectuée Brigitte Bédard, dans le cadre d'un doctorat en nutrition. Sous la supervision de Lise Dubois, du Département des sciences des aliments et de nutrition, et de Joël Rouffignat, du Département de géographie, l'étudiante-chercheure a dressé le portrait des particularités de l'assiette des Canadiens des cinq grandes régions du pays.
Pour réaliser ce portrait, Brigitte Bédard a utilisé les données de l'Enquête sur les dépenses alimentaires des familles, récoltées auprès de 11 000 ménages en 1992. "L'internationalisation de l'industrie alimentaire à laquelle nous assistons depuis quelques années a peut-être favorisé une certaine convergence entre les régions canadiennes depuis 1992, reconnaît la chercheure. Par contre, il existe une forte composante culturelle dans l'alimentation, de sorte qu'il faut souvent plusieurs générations pour que des changements durables se manifestent." Il y a donc lieu de croire que les grandes tendances observées au moment de l'enquête sont toujours présentes aujourd'hui. Société distincte C'est au rayon des fruits et légumes que la chercheure a observé les plus grands écarts entre les régions canadiennes. Les Québécois affichent ici un nouvel aspect de la société distincte puisque, avec leurs 6,9 portions quotidiennes de fruits et légumes, ils devancent nettement la Colombie britannique et l'Ontario (6,1), l'Atlantique (5,5) et les Prairies (5,4). Le Québec vient également au premier rang pour la consommation de jus de légumes, de produits céréaliers (incluant le riz et les pâtes), de viande rouge, de yogourt et de fromage.
De leur côté, les résidants des provinces atlantiques sont premiers au pays pour la consommation de pommes de terre et de charcuteries, et bons derniers pour la consommation de fruits et de légumes, de produits laitiers, de riz et de pâtes alimentaires. Les Ontariens sont les plus grands consommateurs de lait, mais aussi de boissons gazeuses - ils en boivent deux fois plus que les citoyens de Colombie britannique qui viennent en queue de peloton - et de grignotises salées. Les résidants des Prairies consomment moins de volaille, de poissons et de crustacés que les autres Canadiens. Enfin, les résidants de la Colombie britannique se distinguent par une sous-consommation de produits néfastes pour la santé. Leur seul péché de gourmandise: ils mangent un peu plus de sucre et de confiseries (sucre, miel, confitures, gelées) que les Ontariens.
La chercheure souligne que les disparités géographiques dans l'alimentation des Canadiens dépendent de facteurs comme la composition de la population, les revenus, la taille des ménages, la scolarité, la disponibilité des aliments et les milieux de vie. "Mais elles reflètent aussi les différences culturelles entre les régions, ajoute-t-elle. Par exemple, en Colombie britannique, où les préoccupations pour la santé sont très fortes, les gens ont une bonne alimentation parce qu'ils restreignent leur consommation d'aliments néfastes. Au Québec, où les gens sont très sensibles aux plaisirs de la table, la bonne alimentation est le résultat d'une surconsommation relative d'aliments favorables à la santé."
L'étude des variations spatiales dans l'alimentation des Canadiens pourrait avoir des répercussions pratiques, estime la chercheure. "Ce type d'analyse peut aider les décideurs publics à mieux cibler les interventions à privilégier dans chaque région en matière d'alimentation, suggère-t-elle. Nos données pourront être raffinées lorsque les résultats de l'Enquête nationale sur la consommation des ménages, qui a été réalisée en 2004, seront accessibles aux chercheurs."
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