Esprit de Kyoto, où es-tu? Au Canada, l'implantation de normes relatives à l'effet de serre auprès des grands producteurs industriels donnera peu de résultats par Yvon Larose En 2002, les États-Unis n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Par ailleurs, plus de 80 % des exportations canadiennes se font avec ce pays. Afin d'aider les grands producteurs industriels canadiens à protéger leur position concurrentielle sur ce marché tout en les amenant à réduire leurs émissions de GES, le gouvernement fédéral a pris deux engagements. "Jusqu'à maintenant, ces mesures ont donné peu de résultats sur le plan environnemental", indique Jean-Thomas Bernard, professeur au Département d'économique. Ce titulaire de la Chaire en économique de l'énergie électrique au Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (GREEN) livrait, le 4 février, les principaux résultats d'une étude récente réalisée en collaboration avec Frédéric Clavet et Jean-Cléophas Ondo, dans le cadre de la Journée d'économie appliquée GREEN/CIRPÉE-Laval.
Les grands producteurs industriels canadiens, en particulier ceux du secteur de l'énergie, sont de grands émetteurs de gaz à effet de serre. Dans le secteur énergétique, des entreprises extraient le pétrole et le gaz naturel du sous-sol. D'autres produisent de l'électricité à partir de combustibles fossiles comme les produits pétroliers, le gaz naturel et le charbon. Le groupe de grands émetteurs de GES comprend aussi les industries suivantes: mines, pâtes et papiers, produits chimiques, fer et acier, métaux non ferreux, ciment et verre.
Dans le but d'encourager ces sociétés à limiter leurs émissions de GES, le gouvernement fédéral poursuit la mise en place d'un programme basé sur l'obtention obligatoire d'un permis pour les émissions de CO2. Une mesure de ce programme consiste à amener les entreprises à réduire leurs émissions de CO2 de 15 % par rapport à une norme établie par le gouvernement. Cela signifie que les entreprises ne supporteront que 15 % du coût d'achat du permis. De plus, le coût du permis est actuellement plafonné à 15 $ par tonne. "Nous avons trouvé que cette approche a peu d'effet sur la production et sur les échanges d'électricité entre l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Angleterre et l'État de New York, explique Jean-Thomas Bernard. De plus, elle a amené très peu de changements dans les émissions de GES. Ce résultat est insatisfaisant. Le gouvernement fédéral subventionne, en quelque sorte, 85 % du coût d'une pollution moindre. Si les entreprises assumaient le plein prix, cela les amènerait à moins polluer." Une réduction de 6 % Mercredi prochain, 16 février, le protocole de Kyoto entrera officiellement en vigueur. Considéré comme le premier pas dans la lutte à l'effet de serre, cet accord international a été signé en 1997, puis ratifié en 2002 par plus d'une centaine de pays, dont le Canada. Il obligera les pays signataires à abaisser, entre 2008 et 2012, leurs émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement de la planète, à des niveaux inférieurs à ceux de 1990. L'engagement du Canada porte sur une réduction de 6 % de ses émissions. Trois baisses successives devraient totaliser 240 millions de tonnes, soit l'équivalent du tiers de toutes les émissions de GES produites en 2002 au pays.
S'appuyant sur un réseau hydroélectrique produisant de l'énergie "propre" en grande quantité, les grands producteurs industriels québécois contribuent moins à l'effet de serre qu'une province comme l'Ontario, par exemple. Qui plus est, depuis l'entrée en vigueur du Traité de libre-échange en 1989, le Québec a vu sa production d'émissions de GES diminuer de 1,1 million de tonnes à 0,2 million de tonnes dans le secteur de l'électricité. Les seules responsables de ces émissions sont les centrales qui produisent de l'électricité à partir de gaz naturel. En Ontario, cependant, la volonté de produire davantage d'électricité pour l'exportation, par le recours massif au charbon, a fait grimper la production de GES de 27,4 à 56,3 millions de tonnes.
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